Définition : qu'est-ce que la leucémie ?
Les leucémies sont des cancers du sang. Cette pathologie frappe chaque année plus de 9000 personnes et cause près de 4000 décès. Ils se développent à partir des cellules-souches du sang. Ces dernières sont des cellules immatures qui se transforment en différents types de cellules aux fonctions distinctes. Nous distinguons les cellules-souches lymphoïdes et les cellules-souches myéloïdes :
- Les cellules-souches lymphoïdes se transforment en lymphocytes, un type de globules blancs. Les lymphocytes aident à combattre les infections et à détruire les cellules anormales. Les 3 types de lymphocytes sont les lymphocytes B, les lymphocytes T et les cellules tueuses naturelles (NK).
- Les cellules-souches myéloïdes se transforment en globules rouges, en granulocytes, en monocytes ou en plaquettes. Les globules rouges transportent l’oxygène vers tous les tissus du corps. Les granulocytes et les monocytes sont des types de globules blancs qui combattent les infections. Les plaquettes forment des caillots dans les vaisseaux sanguins endommagés afin d’arrêter les saignements.
Au début de la maladie, les cellules-souches du sang deviennent des cellules blastiques (aussi appelées blastes ou encore cellules leucémiques), qui sont aussi des cellules sanguines immatures. En cas de leucémie, il y a une surproduction de cellules blastiques. "Au fil du temps, les cellules blastiques prennent la place des cellules sanguines normales, qui ne parviennent alors plus à remplir leur fonction", selon le docteur Thomas Feutren, oncologue et radiothérapeute libéral à Paris.
Les symptômes, le pronostic et le traitement de la leucémie sont variables d’une forme à une autre.
Quels sont les différents types de leucémies ?
Les leucémies lymphoïdes ou myéloïdes
Nous distinguons deux grands types de leucémies en fonction de la nature des cellules souches touchées :
- La leucémie lymphoïde (aussi appelée leucémie lymphoblastique) qui se traduit par des cellules-souches lymphoïdes anormales.
- La leucémie myéloïde (aussi appelée leucémie myéloblastique) qui résulte de cellules-souches myéloïdes anormales.
Leucémies myéloïdes : un développement 3 phases
Une leucémie se développe selon 3 phases :
- la phase chronique : "le diagnostic est établi au cours de cette phase d'évolution lente qui dure en moyenne 4 ans", explique le docteur Thomas Feutren.
- la phase d'accélération : " elle est marquée par une augmentation de la proportion de globules blancs dans le sang et de la charge d'une anomalie enzymatique appelée BCR-ABL. Les symptômes ne sont pas spécifiques (fièvre, maux de tête, perte d'appétit)...", détaille le praticien. Sans traitement, cette phase évolue en phase aigüe après plusieurs mois. "Les traitements aujourd'hui reposent sur le blocage de l'enzyme BCR-ABL (une tyrosine kinase) anormale afin de l'empêcher de fonctionner", ajoute -il.
- la phase de transformation : " la leucémie devient aigüe et la moelle osseuse est envahie par des globules blancs anormaux et ne peut plus fonctionner correctement. La maladie est alors très grave", prévient l'expert.
Les leucémies aigües ou chroniques
Les types de leucémies sont aussi classés en fonction de la vitesse à laquelle la maladie se développe. Nous distinguons :
- Les leucémies chroniques dont l'évolution clinique est lente (plusieurs années). Elles se caractérisent par la prolifération ou l’accumulation de cellules originaires de la moelle osseuse, à un stade avancé de leur différenciation en globules du sang (appelées "blastes"). Suivant qu’il s’agisse de cellules lymphocytaires ou myéloïdes, on parlera de leucémie lymphoïde chronique ou de leucémie myéloïde chronique.
- les leucémies aiguës ont une évolution clinique rapide et se caractérise par la prolifération dans la moelle osseuse (voire dans le sang) de cellules bloquées à un stade précoce de leur différenciation, appelées "blastes". Suivant l’origine des blastes, on parlera de lymphoblastes (cellules normalement destinées à devenir des lymphocytes) ou de myéloblastes (normalement destinées à devenir des polynucléaires, des plaquettes ou des globules rouges) et donc de leucémies aiguës lymphoblastiques ou myéloblastiques.
Les 4 types principaux de leucémies sont donc :
- la leucémie aigüe lymphoblastique (LAL);
- la leucémie aigüe myéloblastique (LAM);
- la leucémie lymphoïde chronique (LLC);
- la leucémie myéloïde chronique (LMC).
Chez l’adulte, les leucémies les plus courantes sont la LLC et la LAM.Les enfants sont généralement affectés par des leucémies aiguës, tandis que les personnes âgées sont plutôt en proie aux leucémies chroniques.
À noter qu'il existe de nombreux sous-types de leucémies.
Ces différentes leucémies sont de gravité et de pronostic variables. Mais toutes ont en commun un risque infectieux (à cause de la baisse du nombre de globules blancs fonctionnels), un risque hémorragique (par diminution des plaquettes) et un risque de complications liées à l’anémie (raréfaction des globules rouges).
Quelques chiffres sur la leucémie
- Les leucémies touchent 9 000 à 10 000 personnes chaque année en France (source 1).
- Les formes chroniques sont beaucoup plus fréquentes chez l’adulte, le type lymphoïde chronique atteignant principalement les séniors et la forme myéloïde chronique des adultes d’âge moyen.
- Chez l’enfant, la majorité des leucémies sont aigües, en très grande majorité de type lymphoblastique.
- Les leucémies représentent 29 % des cas de cancer diagnostiqués chez les moins de 15 ans et 14 % des cancers qui se développent à l’adolescence.
- En 2005, la mortalité par leucémie a été de 3.792 décès (2.035 chez les hommes et 1.757 chez les femmes) (source 2).
Comment se développe ce cancer du sang ?
Les cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes) sont fabriquées dans la moelle osseuse.
Dans le cas d'une leucémie, il existe une multiplication excessive de globules blancs "jeunes", appelés blastes, qui vont se trouver dans le sang de façon inhabituelle. On observe alors une augmentation du nombre de globules blancs (leucocytes) dans le sang : c’est une hyperleucocytose. Mais ces globules ne sont pas fonctionnels et ils sont responsables d’une mauvaise protection de l’organisme contre les infections. On parle d’immunodépression. Ces cellules peuvent envahir d’autres organes comme les ganglions, le foie, le système nerveux…
Cette production massive entraîne une incapacité de la moelle à produire convenablement les autres cellules sanguines, à savoir les globules rouges, d’où une anémie, et les plaquettes, d’où une thrombopénie.
Parmi les globules blancs, différentes cellules peuvent être touchées :
- les lymphoblastes : ce sont les jeunes cellules qui donnent les lymphocytes ;
- les myéloblastes : ce sont les cellules précurseurs des polynucléaires.
Quels sont les facteurs de risque de la leucémie ?
Certains facteurs de risque de leucémie ont été identifiés. Ils sont essentiellement génétiques.
Les facteurs de risque génétiques
Certaines anomalies génétiques seraient responsables du développement de leucémies :
- Le chromosome de Philadelphie est souvent retrouvé chez les patients atteints de leucémie myéloïde chronique. L'anomalie chromosomique dénommée chromosome Philadelphie (ou chromosome Ph1) correspond à une amputation au niveau du bras long du chromosome 22. Il s'agit en fait d'un défaut plus complexe puisque la partie ainsi amputée est retrouvée sur un autre chromosome, le plus souvent sur le chromosome 9 (translocation 22-9). Cette translocation n'est reconnue que sur les cellules myéloïdes (toutes les autres cellules du corps sont indemnes).
- D’autres anomalies chromosomiques et maladies génétiques sont également associées à certaines leucémies : la trisomie 21, le syndrome de Li-Frauméni, la neurofibromatoses, l'ataxie-télangiectasie, la maladie de Fanconi…
Les facteurs non génétiques
Certains traitements ou agents contaminants environnementaux peuvent occasionner des altérations génétiques susceptibles d’augmenter le risque de leucémie :
- les radiations ionisantes;
- les pesticides;
- le benzène;
- les chimiothérapies…
Des pathologies virales peuvent aussi expliquer certains cas de leucémies comme le virus d’Epstein-Barr (virus de l’herpès 4) qui cause la mononucléose infectieuse, souvent à l’origine des leucémies aiguës lymphoïdes à lymphocytes B matures.
Quels sont les symptômes de la leucémie ?
La nature des symptômes varie selon le type de leucémie en cause.
Les symptômes des leucémies aigües
la leucémie aigüe s’installe brutalement en quelques jours sans signe avant-coureur. Elle entraîne le plus souvent :
- Une altération rapide de l’état général.
- La diminution du nombre de globules rouges dans le sang (anémie) cause une pâleur, un essoufflement, de la fatigue, une accélération du rythme cardiaque…
- La diminution du taux de plaquettes (thrombopénie) qui peut engendrer des saignements (notamment au niveau des gencives ou du nez, mais parfois aussi digestifs ou cérébraux), des hématomes (bleus) (de façon spontanée, ou suite à de légers coups).
- La réduction du nombre de globules blancs matures (leucopénie) augmente le risque d’infections.
- D’autres signes, moins fréquents, peuvent apparaître : augmentation de la taille des ganglions lymphatiques, augmentation de la taille de la rate ou du foie (symptômes le plus souvent indolores), gencives gonflées et douloureuses, petites lésions de la peau (leucémides)....
Les symptômes des leucémies chroniques
La leucémie myéloïde chronique évolue en général lentement. Elle reste souvent asymptomatique durant des mois voire des années. Certains patients souffrent d'une augmentation du volume de la rate.
- la leucémie lymphoïde chronique ne provoque pas de symptôme. Parfois, la maladie engendre de la fatigue et des infections répétées.
Comment peut-on prévenir la leucémie ?
Il est difficile de prévenir une leucémie dans la mesure où la maladie est souvent liée à une prédisposition génétique congénitale. Toutefois, parfois la leucémie résulte d'une mutation génétique acquise par l'exposition à des traitements ou des agents contaminants. Il est donc recommandé d'éviter une exposition prolongée à certaines substances toxiques : radiations ionisantes, benzène, pesticides…
Comment est établi le diagnostic de leucémie ?
Une leucémie peut être suspectée suite à une simple prise de sang, lorsque la numération formule sanguine (NFS) est anormale montrant : une baisse du nombre de globules rouges, de plaquettes, de polynucléaires; la présence de cellules leucémiques au travers d’une quantité de globules blancs anormalement élevée.
Des examens complémentaires sont alors généralement prescrits afin de savoir si le patient est touché par une leucémie.
Diagnostic de la leucémie aigüe
- Le myélogramme est l’examen de choix permettant de poser un diagnostic de leucémie aiguë. Il consiste à analyser les cellules de la moelle osseuse au microscope. Le prélèvement de moelle osseuse est effectué sous anesthésie locale, par ponction dans le sternum ou dans l’os du bassin (épine iliaque).
- D’autres examens biologiques (comme l'étude des chromosomes) permettent d’obtenir des données complémentaires afin de mieux caractériser la maladie.
Diagnostic des leucémies chroniques
- En cas de leucémie lymphoïde chronique (LLC): un examen nommé « immunophénotypage des cellules » est indispensable au diagnostic. Il établit avec précision le profil des lymphocytes grâce à des réactifs biologiques. Associées à l’examen clinique du patient, ces données biologiques permettent de déterminer le stade de la maladie. Par la suite, une numération formule sanguine de contrôle est effectuée tous les six à douze mois afin de repérer une éventuelle aggravation (à noter qu'il existe 3 stades d'évolution de la LLC : A,B et C).
- En cas de leucémie myéloïde chronique : un myélogramme confirme le diagnostic. La moelle osseuse ainsi prélevée est analysée au microscope. Parallèlement, le caryotype des cellules, c’est-à-dire leurs chromosomes, est étudié. La présence du chromosome de Philadelphie permet de préciser qu’il s’agit bien d’une LMC. À noter qu'il existe trois stades à la maladie : le stade chronique, le stade acceléré et le stade blastique.
Comment peut-on traiter ce cancer du sang ?
Le traitement de la leucémie repose essentiellement sur la chimiothérapie anticancéreuse, dont les molécules et les protocoles varient selon les spécificités de la leucémie et les équipes chargées du traitement.
Au cours des dernières années, de sérieuses avancées ont permis de mettre au point des molécules qui améliorent le traitement des leucémies et la qualité de vie du sujet malade. Quel que soit le type de leucémie, ce traitement peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Les rémissions et les guérisons sont fréquentes (surtout chez les enfants).
Une aide psychologique pour la personne atteinte et sa famille est primordiale.
Les leucémies aigües (myéloblastiques et lymphoblastiques)
Le traitement des leucémies aigües repose le plus souvent sur deux chimiothérapies successives :
- une chimiothérapie d’induction qui a pour objectif d'éradiquer les cellules anormales de la moelle osseuse et du sang du patient. Elle permet aussi de soulager les symptômes de la maladie ;
- une chimiothérapie de consolidation dont l’objectif est d’éviter la rechute.
Par la suite, un traitement associant une chimiothérapie et/ou une greffe de moelle osseuse peut être proposé. Le traitement médicamenteux permet alors d’éliminer les dernières cellules anormales et de favoriser le succès de la greffe.
Cette stratégie générale peut être différente dans certaines leucémies pour lesquelles il existe des traitements très spécifiques.
Les leucémies chroniques
- La leucémie myéloïde chronique : un médicament ciblant l'anomalie génétique du chromosome de Philadelphie a été mis au point : l’imatinib. Depuis cette première découverte, deux nouvelles molécules ont été développées : le dasatinib et le nilotinib. Ces trois médicaments administrés par voie orale sont extrêmement efficaces puisqu’ils permettent d’obtenir une disparition complète des cellules anormales et des symptômes. Cette génération de nouveaux traitements a complètement bouleversé le pronostic de la maladie qui était encore mauvais il y a quelques années. La leucémie myéloïde chronique est désormais considérée comme une maladie chronique, avec laquelle il est possible de vivre pratiquement normalement pendant de très longues années.
"La leucémie myéloïde chronique est généralement associée à une bonne réponse thérapeutique, c'est à dire que grâce aux médicaments actuels, les personnes atteintes de la LMC sous traitement peuvent aujourd’hui mener une vie quasiment normale", selon l'expert.
Toutefois, certains patients ne tolèrent pas ces traitements et il est nécessaire de revenir à l’ancien traitement (associant interféron et cytarabine), moins efficace et entraînant plus d’effets secondaires. Chez les patients les plus jeunes, la greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques peut être conseillée en cas de mauvaise tolérance ou d'efficacité insuffisante des traitements initiaux.
- La leucémie lymphoïde chronique ne fait pas toujours l'objet d'un traitement : les LLC de stade A et certaines leucémies lymphoïdes chroniques de stades B et C de bon pronostic peuvent faire l’objet d’une simple surveillance médicale. Un traitement peut être proposé en cas d'évolution défavorable.
Dans le cas des stades B et C de mauvais pronostic ou associés à un tableau clinique inquiétant, une polychimiothérapie est proposée. Elle comprend deux molécules : fludarabine et cyclophosphamide. Dans la plupart des cas, ces deux molécules sont associées au rituximab, une molécule de thérapie ciblée.
Les patients qui présentent une anomalie sur le chromosome 17 répondent mal au traitement de référence. Dans ce cas, un autre type de thérapie ciblée, l’alemtuzumab, est administré au patient, souvent en association avec des corticoïdes.
Enfin, une greffe de moelle osseuse ou de cellules souches peut parfois être envisagée.