Définition : qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui entraîne une altération des connexions entre les neurones. Elle touche le plus souvent les personnes âgées de plus de 65 ans.
« Sur le plan clinique, les fonctions cognitives du patient sont progressivement affectées. La maladie se manifeste généralement par des troubles de la mémoire ou du langage. Puis elle prend du terrain : le raisonnement, l’apprentissage, la prise de décision, la concentration, l’attention, sont altérées », selon le Dr Georges Retali, chef de l’unité de neurologie au CHU de Bastia. À un stade très avancé, nous parlons de démence sévère et le patient perd toute autonomie.
Sur le plan biologique la maladie se caractérise par le développement de plaques amyloïdes entre les neurones et par un enchevêtrement neurofibrillaire dans les neurones. Les zones cérébrales concernées sont l’hippocampe et les aires néocorticales. Ces désordres résultent de l’agrégation de certaines protéines dans ces régions. Ils entrainent le dysfonctionnement des neurones puis leur mort cellulaire (ou apoptose) .
Les causes de la maladie restent à ce jour mystérieuses. « La maladie est le plus souvent multifactorielle : elle suppose la combinaison de susceptibilités génétiques et d’autres facteurs liés au mode et à l’hygiène de vie du patient. »
La maladie d’Alzheimer est incurable. Les traitements médicamenteux visent à stabiliser les fonctions cognitives et les troubles du comportement. « Une prise en charge thérapeutique pour rompre l’isolement social et la conservation d’activités physiques et intellectuelles quotidiennes sont prépondérantes contre la progression de la maladie », selon le praticien.
Les chiffres de la maladie d’Alzheimer
- En 2015, la maladie d’Alzheimer touche en France près de 900 000 personnes (source 1). Selon le Dr Retali : « Avec l’augmentation de l’espérance de vie, 1,3 million de personnes sont touchées en France, en 2020. »
- « La maladie reste peu fréquente avant l’âge de 65 ans, touchant 2% de la population. Cependant, à 80 ans, il y a un pic avec une incidence de près de 15% », d’après le praticien.
- Chaque année 225 000 nouveaux cas sont décelés sur l’Hexagone (source 1). Le diagnostic est généralement établi tardivement et les conséquences sur le quotidien sont déjà importantes ;
- Deux patients sur trois sont des femmes.
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Les différentes formes de la maladie
- La forme sporadique ou non héréditaire qui représente 95% des cas (source 2). Les personnes atteintes n’ont pas d’antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer. Dans ces cas de figure, la maladie serait liée à la conjonction de susceptibilités génétiques et de facteurs environnementaux comme des mauvaises habitudes de vie sur le plan physique ou intellectuel.
- La forme familiale est rare (5% des cas) et affecte des patients qui ont des antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer. La cause est donc uniquement génétique. La maladie se déclenche généralement précocement dans ce cas de figure, aux alentours de 50 ans.
Causes : qu'est-ce qui provoque la maladie ?
Les mécanismes de la maladie d'Alzheimer
La maladie souffre encore d’une étiologie mal connue. Toutefois, il est démontré que les signes cliniques sont associés à deux altérations des neurones qui entrainent leur dysfonctionnement :
- la formation de plaques amyloïdes par accumulation pathologique d’une protéine appelée « β-amyloïde » entre les neurones ;
- la dégénérescence neurofibrillaire qui résulte d’une accumulation anormale de filament à l’intérieur des neurones. Elle est aussi due à une protéine : la « protéine Tau ». Elle cause la mort des cellules nerveuses (apoptose).
Les régions cérébrales touchées sont l’hippocampe (régions qui contrôlent la mémoire) et le cortex dit « associatif » (qui permet de relier entre elles différentes fonctions). À terme, la disparition des neurones engendrera une diminution du volume cérébral.
Les facteurs de risque identifiés
Des facteurs génétiques en cause dans les formes familiales
Dans ces formes héréditaires (5% des cas), la maladie est purement d’origine génétique. Trois mutations sont à l’origine de la quasi-totalité des cas héréditaires de la maladie : une sur le chromosome 21 (25% des cas), une sur le chromosome 14 (70% des cas) et une sur le chromosome 1 (2,5%). Les mutations de ces gènes augmentent la formation de protéine amyloïde (qui forme les plaques séniles, une des deux lésions caractéristiques de la maladie d'Alzheimer).
Des facteurs environnementaux aussi impliqués
Dans 95% des cas, la maladie d’Alzheimer n’est pas héréditaire et résulte de l’agrégation de facteurs génétiques et environnementaux : « Il s’agit de problèmes de santé liés à une mauvaise hygiène de vie ou un manque de stimulations d’ordre intellectuel », souligne le praticien.
Les facteurs de risques sont :
- un faible niveau d’instruction : « La maladie d’Alzheimer est plus présente dans des professions manuelles qu’intellectuelles par exemple », explique le neurologue ;
- des facteurs cardiovasculaires : hypertension, antécédents d’AVC, hypercholestérolémie, diabète, obésité…
- une mauvaise hygiène de vie : tabac, alcool, alimentation déséquilibrée, sédentarité, inactivité intellectuelle, environnement pollué… ;
- des troubles psychiatriques : trouble de l’humeur, anxiété, dépression ;
- un syndrome inflammatoire chronique ( ce dernier est dépisté par des examens sanguins par une CRP trop élevée) ;
- des antécédents de traumatismes crâniens avec perte de connaissance de plus de 5 minutes.
La recherche continue d’avancer et une récente étude de l’Inserm a permis d’identifier 75 facteurs de risques dont 42 nouveaux n’ayant encore jamais été impliquées dans la maladie. Ces analyses révèlent notamment "qu’un dysfonctionnement de l’immunité innée et de l’action de la microglie (cellule immunitaire présente dans le système nerveux central qui joue un rôle « d’éboueur » en éliminant les substances toxiques) est à l’œuvre dans la maladie d’Alzheimer". explique le communiqué de l'Inserm. Cette étude montre également pour la première fois l’implication dans la maladie de la voie de signalisation dépendante du facteur de nécrose tumorale alpha.
Quels sont les symptômes ou signes d'alerte de la maladie d'Alzheimer ?
« Les symptômes de la maladie d’Alzheimer débutent de façon insidieuse. L’évolution de la maladie est progressive. La nature et l’intensité des signes cliniques différent selon les individus, même si les pertes de mémoire sont systématiques », selon le neurologue.
- Des pertes de la mémoire : « Les patients oublient des événements et des informations récentes. Ils posent donc beaucoup de questions sur le lieu et l’heure qu’il est. Ils se perdent facilement. Il répète plusieurs fois certains actes car ils ne se souviennent plus les avoir déjà réalisés… », illustre l’expert.
- Des troubles du langage : au début de la maladie, les patients cherchent leurs mots ou se perdent en formulant des phrases compliquées. « Par la suite, ils peuvent tomber dans un mutisme total. À terme, le discours est confus et désorganisé. »
- Des lacunes à la lecture et à l’écriture.
- Des difficultés de compréhension de son interlocuteur.
- Des difficultés à réaliser des actions complexes telles que : travailler, gérer son budget, faire un repas, faire des courses, organiser son emploi du temps…
- Un manque de polyvalence : le patient ne parvient plus à réaliser plusieurs choses à la fois.
- Une apraxie : difficulté à effectuer des gestes qui exigent coordination et dextérité. Par exemple : écrire, repasser, étendre le linge… À un stade plus avancé, le patient ne parvient plus à réaliser les gestes les plus simples comme se laver, s’habiller ou même marcher ;
- L’agnosie : incapacité à reconnaître un visage ou un objet alors que les fonctions visuelles sont préservées. Dans ce cas, le fait de toucher ou d’entendre l’objet ou la personne peut aider le patient à le/la reconnaitre.
- Des troubles psychiatriques :
- anxiété (parfois liée à la conscience de la détérioration des facultés intellectuelles) ;
- état dépressif et apathie (perte d’intérêt, de motivation et d’estime de soi) ;
- manifestations psychotiques comme des idées délirantes ou des hallucinations (le plus souvent auditives, tactiles ou visuelles);
- troubles alimentaires (anorexie, perte d’appétit). - Des troubles du comportement :
- irritabilité (voire agressivité) ;
- euphorie (la personne semble ivre et peut avoir des éclats de rire inappropriés) ;
- désinhibition : comportement déplacé, socialement inacceptable et inhabituel. Par exemple : parler aux inconnus, dire des grossièretés…
- des actions sans but : la personne déambule, tourne en rond, fouille dans les placards… - Des troubles du sommeil et du rythme circadien (le plus souvent des insomnies).
- Une conscience ou non de la maladie : « Parfois le patient a conscience d’être malade, mais parfois il ne s’en rend pas compte. L’absence de conscience et d’autocritique sont des signes de gravité », souligne l’expert.
Évolution de la maladie
- Stade 1 « asymptomatique » : il n’y a aucun symptôme mais les marqueurs biologiques sont déjà positifs à ce stade.
- Stade 2 « le prodrome » : les premiers symptômes débutent : « le plus souvent, il s’agit de perte de mémoire ou de la parole (perte de mots) », selon le praticien.
- Stade 3 « la démence » : à ce stade les symptômes altèrent la qualité de vie du malade et compromettent son autonomie. On distingue 3 niveaux de démence :
- la démence légère : elle est caractérisée par des troubles de la mémoire, de la parole ou de l’attention et une désorientation spatio-temporelle marquée ;
- la démence modérée : l’atteinte cognitive altère la qualité de vie du malade. Une assistance pour les tâches quotidiennes est nécessaire ;
- la démence sévère : le patient perd toute autonomie. Il doit être aidé pour se laver, s’habiller, sortir, se nourrir, … « Au stade terminal, la survie du patient est assurée par l’alimentation entérale/ parentérale voire une assistance respiratoire. »
Conseils de prévention
Des études en cours montrent que quelques mesures pourraient anticiper la maladie d’Alzheimer :
- soigner les facteurs de risque cardiovasculaires (tabac, diabète, cholestérol, hypertension) dès leur apparition car ils participent à l’évolution de la maladie;
- adopter un régime alimentaire dit “méditerranéen” , composé principalement de fruits et de légumes frais, pain, céréales, poissons, huile d'olive et pauvre en viande rouge (source 3) ;
- consommer une alimentation riche en antioxydants (vitamine A, zinc, sélénium) afin de se préserver de la maladie ;
- maintenir une activité intellectuelle, physique et un réseau social. Cela participe à éloigner la maladie d’Alzheimer.
L’entourage doit être sensible au moindre changement de comportement d'une personne âgée. Une consultation médicale est nécessaire au moindre doute.
Quand consulter ?
En cas de signes d’alerte, il est recommandé de consulter un médecin traitant. Ce dernier orientera le patient si nécessaire vers un spécialiste. 10 symptômes doivent vous alerter :
- Une perte de mémoire notable ;
- Des difficultés de concentration, de planification et de résolution des problèmes ;
- Des difficultés à réaliser des tâches familières ;
- Une désorientation dans le temps et l’espace ;
- Des difficultés de reconnaissance ;
- Des difficultés d’expression orale et écrite et de compréhension ;
- Une tendance à égarer les objets ;
- Une diminution de la capacité de jugement et de prise de décision ;
- Un retrait progressif des activités sociales et professionnelles ;
- Des changements de comportement et de personnalité.
Examens : comment diagnostiquer une maladie neurodégénérative ?
En cas de symptômes évocateurs, le médecin généraliste réalisera une investigation clinique basée sur un interrogatoire du patient. S’il soupçonne une maladie d’Alzheimer, il orientera le patient vers un centre mémoire spécialisé dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer (CMRR) ou vers un neurologue.
Les centres mémoire (CMRR) réalisent le diagnostic en deux étapes avec un bilan neuropsychologique et un bilan biologique comprenant :
- une imagerie par résonance magnétique (IRM);
- une tomographie par émission de positons (TEP) ;
- une ponction lombaire : elle permet le dosage dans le liquide céphalo-rachidien de plusieurs marqueurs biologiques spécifiques de la maladie d’Alzheimer (protéines Tau, peptide béta-amyloïde) ;
- un bilan sanguin et notamment des dosages de la vitamine B12 et B9 ainsi qu’un bilan thyroïdien sont utiles pour exclure d’autres causes de démence.
La consultation en centre mémoire recherche (CMRR)
La consultation mémoire est assurée dans tous les centres de mémoire, de ressources et de recherche (CMRR) de France.L’IM2A (Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer), à La Pitié-Salpêtrière, est le premier centre de consultation mémoire de France.
Le diagnostic peut être établi en externe (le patient voit un spécialiste) ou en hôpital de jour (HDJ). La consultation en hôpital de jour se déroule sur une journée entière permettant d’effectuer plusieurs examens nécessaires en peu de temps.
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Traitements : comment prendre en charge la maladie d'Alzheimer ?
Les traitements médicamenteux spécifiques
Les traitements prescrits à ce jour dans le cadre de la maladie d’Alzheimer sont des traitements symptomatiques. Actuellement, deux catégories de médicaments spécifiques sont commercialisés en France :
- Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (donepezil, galantamine et rivastigmine) : ils sont prescrits en première intention et corrigent le déficit en acétylcholine observé chez les patients atteints d’Alzheimer. Ces traitements restent modérément efficaces.
- Les antiglutamates (antagonistes des récepteurs NMDA) : il s’agit d’un seul médicament appelé la mémantine. Elle n’agit pas sur la vigilance et l’attention, mais a montré une certaine efficacité dans les formes avancées de la maladie.
Depuis 2018, ces médicaments ne sont plus remboursés par la sécurité sociale, jugés peu efficaces et donc non indispensables. Les associations de patients déplorent cette décision des autorités publiques.
L’agence américaine des médicaments (Food and Drug Administration) a annoncé, lundi 7 juin 2021, l'autorisation d’un nouveau médicament ciblant les causes de la maladie d’Alzheimer, l'ADUHELM. "C'est le premier traitement approuvé pour la maladie d'Alzheimer depuis 2003 et la première thérapie qui cible la physiopathologie fondamentale de la maladie", souligne la FDA. Il utilise utilise un anticorps monoclonal humain baptisé aducanumab. Administrée par voie intraveineuse, cette molécule s’attaque à la protéine bêta-amyloïde, qui, chez les malades d'Alzheimer, s'agrège sous forme de plaques autour des neurones et les empêchent de fonctionner normalement.
Les médicaments non spécifiques
D’autres traitements sont parfois prescrits pour corriger les troubles psychologiques et comportementaux (antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques) ou les maladies souvent associées (diabète, hypertension, hypercholestérolémie…).
Les approches non médicamenteuses complémentaires
- Un accompagnement psychologique et social (psychothérapie) est essentiel pour le patient et l’entourage ;
- Les thérapies cognitives (techniques de stimulation cognitive ou de revalidation cognitive) ;
- Les thérapies corporelles : activité physique, massages, yoga, relaxation… ;
- Des séances d’orthophonie et de kinésithérapie sont généralement proposées ;
- Les approches non médicamenteuses (musicothérapie, ergothérapie, art-thérapie, etc.) sont de plus en plus intégrées dans le parcours de soins des patients Alzheimer. Elles permettent d’apaiser certains troubles psychologiques et comportementaux et contribuent à restaurer les liens sociaux. Cette prise en charge non médicamenteuse et pluridisciplinaire peut avoir lieu en ambulatoire ou en institution.