Afin de guider les consommateurs pour une alimentation saine et équilibrée, le ministère de la Santé souhaite fournir une information simple au moment de leurs achats en magasin. La loi du 26 janvier 2016 relative à la modernisation du système de santé a pour visée de répondre à cet objectif : un système d’étiquetage nutritionnel graphique sera recommandé aux producteurs d’aliments par les pouvoirs publics (ce dispositif est fondé sur le volontariat), au regard de la composition nutritionnelle de leurs produits.
Le 26 septembre 2016, 60 supermarchés de quatre régions ont participé pendant 10 semaines à l’évaluation comparative de quatre systèmes d’étiquetage nutritionnel. Mais s'il est difficile de s'y retrouver dans les étiquettes, il est encore plus difficile de s'y retrouver avec ces quatre systèmes graphiques testés dans différents rayons (traiteur, viennoiserie industrielle, pains et pâtisserie industriels, plats cuisinés en conserve).
Deux d'entre eux (Nutri Repère, Nutri couleurs) testent l’approche "analytique", qui présente les principaux composants du produit et les quantifie, et les deux autres (Nutri-Score, le repère alimentaire « Sens ») suivent l’approche "synthétique", fondée sur un code couleur. Mais alors que les résultats de cette évaluation, qui a donc pour but de savoir quel système sera déployé sont attendus en mars, un avis de l'Anses* sur le sujet jette un pavé dans la mare.
Le besoin spécifique de chaque population n'est pas pris en compte
Cette dernière ne se prononce pas sur l'expérimentation en elle-même mais se montre critique vis-à-vis de ces systèmes. En effet, elle souligne "qu’en l’état actuel des connaissances, la pertinence nutritionnelle dans une perspective de santé publique des systèmes d’information nutritionnelle (SIN) examinés n’est pas démontrée".
Par "pertinence", l'agence entend la capacité d'un SIN à réduire l'incidence de pathologies dans l'ensemble de la population par l'intermédiaire de ses effets sur les choix alimentaires. "L'étiquetage nutritionnel devrait donc permettre au consommateur d'intégrer ces informations afin d'améliorer ses comportements alimentaires de manière durable", explique-t-elle.
Dans cette perspective, les experts ont identifié dans un premier temps l’ensemble des éléments à étudier qui conditionnent cette pertinence (les apports en nutriments ou autres substances, l’énergie, le régime alimentaire pris dans sa globalité…). "Cette analyse a conduit à considérer que les systèmes, qui intègrent sans distinction et de façon imprécise les besoins spécifiques des différents groupes de population, ne prennent pas en compte l’ensemble des variables pertinentes au regard des enjeux de santé publique liés à l’alimentation", ont-ils conclu.
Peu d'effet sur le comportement alimentaire
Dans un second temps, la capacité des SIN à "orienter le comportement du consommateur au regard des objectifs de santé publique" a été évaluée. Pour ce domaine, l'Anses pointe un nombre trop limité de travaux relatifs à l'effet de ces systèmes d'information nutritionnelle sur le consommateur, tant en matière de quantité (fréquences d’achat) que de quantités (compréhension de l’information et qualité nutritionnelle de l’achat).
"Compte-tenu de ces éléments, l’Anses estime que la mécanique de construction des SIN examinés, tant dans la mobilisation des variables que dans leur combinaison, apparaît peu pertinente au plan nutritionnel". Les experts craignent même l'effet inverse : que la mise en place de ces systèmes d’information nutritionnelle puisse conduire à des comportements de consommation aux effets contradictoires.
Aux yeux de ces derniers, la mise en œuvre d’un système d'information nutritionnelle apparaît donc davantage comme une mesure d’accompagnement, qui ne suffit pas en elle-même. L'Anses souhaite en effet qu'au-delà de ce dispositif déployé dans un contexte volontaire, soit envisagé la mise en œuvre de mesures plus efficaces, "le cas échéant de nature réglementaire".
Ces mesures pourraient par exemple concerner la régulation publicitaire, en particulier pour les enfants. Reste à savoir si cet avis plutôt négatif aura un impact sur la décision du ministère de la Santé, qui publiera en avril prochain à la suite des résultats de l'expérimentation un décret définissant le système d'étiquetage choisi.