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Bouffées délirantes : quel traitement ?

bouffée délirante traitement © urbazon

Publié par Eglantine Goddefroy  |  Mis à jour le par Mathilde PujolExpert : Dr Patrick Couvreur, psychiatre.

Les bouffées délirantes sont des crises de délire qui surviennent brusquement, chez une personne jusque-là sans troubles psychiques connus, et disparaissent souvent au bout de quelques jours ou semaines. Causes, symptômes et traitements des bouffées délirantes avec le Dr Patrick Couvreur, psychiatre. 

Les bouffées délirantes touchent en majorité des adolescents ou des jeunes adultes (entre 18 et 30 ans), surtout ceux qui sont psychologiquement fragiles, en situation professionnelle ou familiale instable. Elles relèvent d’un état dit de “psychose”.

Définition : qu'est-ce qu'une bouffée délirante aiguë ?

Les bouffées délirantes, également appelées bouffées délirantes aiguës ou BDA sont principalement "des pathologies hallucinatoires avec automatisme mental survenant chez des sujets jeunes dont l'évolution se fait le plus souvent vers la guérison sans séquelle en quelques semaines", note  le Service de psychiatrie et de psychologie médicale du CHU d'Angers (source 1).

"Il s’agit de l’éclosion soudaine et brève d’un épisode délirant dont les thèmes et les mécanismes sont multiples (on parle de délire polymorphe) chez un sujet souvent jeune entre 18 et 35 ans, sans troubles mentaux apparents mais, néanmoins, fragile, vulnérable et sans personnalité bien posée entraînant des difficultés d’adaptation sur le plan social et professionnel", complète Vincent Pagès dans l'aide-mémoire Handicaps et psychopathologies (source 2).

L’apparition des troubles est toujours très brutale et le comportement de la personne inhabituel.

"Le processus délirant est souvent extrême, l’entourage ne reconnaissant plus le sujet."

Le trouble délirant

Le trouble délirant, quant à lui, est "persistant par de fausses croyances fermement ancrées (délires) qui persistent pendant au moins un mois, sans autres symptômes de psychose", explique Carol Tamminga dans ses travaux sur le trouble délirant (source 3). On différencie plusieurs sous-types de troubles délirants : délire érotomaniaque, délire de grandeur, délire de jalousie, délire persécutoire, délire somatique...

Pourquoi fait-on une bouffée délirante ? Quelles sont les causes d'un délire psychotique ?

La bouffée délirante peut être causée par un facteur externe : un contexte personnel ou professionnel difficile, une épreuve traumatisante... Elle est l'expression d'une décompensation : les mécanismes de protection psychique de la personne s'effondrent brutalement. Comme le précise le Dr Patrick Couvreur, psychiatre :

Comme pour la schizophrénie, les causes sont difficiles à cerner, c’est pourquoi on préfère parler de circonstances d’apparition des crises. Ainsi, on constate que celles-ci surviennent souvent à la suite d’un choc émotionnel fort : séparation, deuil, échec scolaire ou professionnel...

La bouffée délirante peut également être due à l'ingestion de produits toxiques ou de drogues (LSD, cocaïne...). Une consommation régulière de cannabis est parfois responsable d’hallucinations se rapprochant des bouffées délirantes.

"Même si la majorité des patients se présentant aux urgences avec un premier épisode délirant présentent un trouble psychiatrique primaire ou un trouble lié à la prise de toxiques, une cause médicale sous-jacente doit être recherchée", note la Société française de médecine d'urgence (SFMU) (source 4). On pense notamment aux manifestations psychologiques du lupus, aux encéphalites, tumeurs cérébrales...

Bouffée délirante ou schizophrénie ?

Les bouffées délirantes peuvent être le signe d'un début de maladie psychiatrique telle que la schizophrénie ou le trouble bipolaire.

"Même si la schizophrénie peut débuter sur un mode aigu, il faut retenir que le début des troubles est rarement un “coup de tonnerre dans un ciel serein”, et qu’il est le plus souvent progressif et insidieux, avec des symptômes négatifs et affectifs", précisent Mickaël Le Galudec, Charlotte Sauder, Florian Stephan, Gaëlle Robin et Michel Walter dans La bouffée délirante aiguë au début de la schizophrénie (source 5).

"L’évolution schizophrénique ne constitue qu’une partie des évolutions possibles", poursuivent-ils. Il est donc nécessaire de désolidariser la bouffée délirante aiguë des troubles schizophréniques, "qui donne une mauvaise représentation du début de la schizophrénie".

Symptômes : comment se manifeste un délire ?

Il existe plusieurs signes permettant de reconnaître un état délirant.

Des idées et pensées délirantes

La personne exprime des idées insensées : ses pensées se mélangent et deviennent incohérentes, son discours décousu. Ces pensées peuvent s'accompagner d'un sentiment de dépersonnalisation ou de dédoublement de la personnalité.

Des hallucinations

Elle peut aussi avoir des hallucinations sensorielles, auditives, visuelles... Elle entend des voix, des sons étranges, voit se dérouler sous ses yeux des événements incroyables... "Je me prenais pour un super héros", témoigne Christian, 36 ans, aujourd’hui sorti d’une crise de bouffées délirantes de plusieurs semaines. "Je croyais que mes oreilles étaient supersoniques. Je n’avais qu’une peur : qu’on vienne me chercher pour me faire parler sur ma mission de sauver le monde. Du coup : je changeais de numéro de téléphone toutes les semaines pour brouiller les pistes".

Des altérations du jugement

Les altérations du jugement sont communes lors d'une bouffée délirante. La personne touchée n’a aucun recul par rapport à ce qu’elle voit ou entend, et croit réellement vivre tout ce qu’elle ressent, comme dans un rêve éveillé. Inutile donc de la raisonner, elle ne vous écoutera pas. Elle peut également devenir agressive, avec un risque de violence envers elle-même.

"S’associent au délire des troubles de l’humeur qui oscillent, d’un moment à l’autre, de l’excitation à la tristesse ainsi qu’un certain degré de déstructuration de la conscience" (source 2).

À noter : Il n'existe généralement aucun élément annonciateur permettant de prévenir la première crise.

Comment soigner une bouffée délirante ?

Il faut rapidement consulter un médecin. Ce qui n’est pas toujours chose facile : "ma fille a eu des bouffées délirantes impressionnantes : elle croyait que je voulais lui voler ses pensées", raconte Christine, 56 ans. "Elle refusait que je l’emmène à l’hôpital, parce qu’elle pensait que je voulais me débarrasser d’elle et effacer sa mémoire... Un psychiatre a dû venir la voir à mon domicile".

"Le premier épisode délirant constitue une urgence médicale associée à une morbidité et une mortalité s’il n’est pas pris en charge et traité rapidement", note quant à elle la Société française de médecine d'urgence (SFMU) (source 4). "Il s’agit d’une situation où médecin urgentiste et psychiatre ont chacun leur rôle à jouer, et où l’examen clinique revêt une importance majeure".

Une hospitalisation en milieu psychiatrique est généralement nécessaire pour faire un bilan complet du patient et rechercher la prise éventuelle de toxiques.

Traitement des bouffées délirantes : et après ?

"L’épisode peut être unique ou récidiver à quelques reprises", explique la Société française de médecine d'urgence (Source 4). "Si l’évolution se poursuit vers un affection chronique, ce premier épisode se révélera être le début d’une schizophrénie ou d’une autre forme de psychose chronique, ou bien un épisode thymique dans un trouble bipolaire".

Selon cette dernière, l’évolution d’un premier épisode aigu se fait schématiquement :

  • "Dans 25 % des cas vers une résolution complète et définitive ;
  • Dans 25 % des cas vers des récidives à plus ou moins long terme, chaque accès ayant la même valeur qu’un épisode unique ;
  • Dans 50 % vers un trouble chronique dont un tiers de schizophrénie, un tiers de psychoses non schizophréniques et un tiers de troubles bipolaires".

En fonction des symptômes observés, les médicaments neuroleptiques permettent de traiter la maladie, mais ne sont pas sans inconvénients chez les patients : "avec les neuroleptiques, mes délires se sont peu à peu atténués, mais ça n’a pas été facile, je voyais tout en noir", se souvient Christian.

Le traitement pour calmer les bouffées délirantes par des neuroleptiques dure six mois environ et provoque souvent une période de dépression. L’entourage doit alors se montrer très présent et particulièrement compréhensif.

Sources
OSZAR »