Définition : qu'est-ce que la goutte ?
La goutte correspond à l’accumulation de cristaux d’acide urique dans une ou plusieurs articulation(s). En effet, la maladie est causée par une trop forte concentration d’acide urique dans le sang. Ce dernier provient de la dégradation des aliments (en particulier des protéines d’origine animale) et est éliminé par le rein. En cas de goutte, l’élimination de l’acide urique par le rein est insuffisante et ce dernier est présent en grande quantité dans le sang se déposant ensuite sur une ou plusieurs articulations. Ces dernières sont enflammées et douloureuses : c’est la crise de goutte.
La goutte est une maladie dont l’incidence augmente avec l’âge et elle est bien plus fréquente chez l’homme que chez la femme (certaines femmes connaissent la maladie après la ménopause). Des antécédents familiaux ainsi que d’autres facteurs de risque comme l’obésité ou une mauvaise alimentation augmentent les probabilités de développer la maladie. La goutte est souvent associée à d’autres pathologies (insuffisance rénale, hypertension artérielle, alcoolisme, diabète…).
La personne atteinte de goutte souffre de crises douloureuses très intenses généralement au gros orteil (et habituellement nocturnes). Il arrive également que d’autres articulations soient touchées : doigt, coude, genou ou cheville. Des manifestations cutanées peuvent aussi se présenter.
Avec le temps, les crises de goutte se rapprochent et les périodes qui les séparent deviennent symptomatiques : c’est la goutte chronique. Elle est liée à la persistance du taux élevé d’acide urique dans le sang. Cette anomalie est responsable de douleurs et de déformations des articulations.
La prévention et le traitement passent par une amélioration de l’hygiène de vie. La prise en charge comprend des médicaments antalgiques qui visent à soulager les crises et des médicaments de fond (pris au long cours) pour prévenir les récidives et éviter l’aggravation de la maladie Dr Alexis Mohebi, onco-gériatre.
La goutte touche plus les hommes que les femmes
La goutte touche environ 1 à 2 % des adultes, dans les pays développés. Les femmes sont toutefois moins concernées par cette pathologie que les hommes (1 femme pour 7 à 9 hommes). « Le plus souvent, la goutte se manifeste à partir de 50-60 ans. Elle est un motif de consultation en gériatrie », d’après le docteur Alexis Mohebi, onco-gériatre.
Quelles sont les différentes formes de goutte ?
La goutte évolue généralement en deux stades. « Généralement au commencement, le patient connaît des crises de goutte aiguës occasionnelles. Au fil du temps, ces dernières ont tendance à se rapprocher. En l’absence de prise en charge, la goutte aiguë peut progresser vers une goutte chronique (le risque de complications est alors plus élevé) », d’après le docteur Alexis Mohebi.
La crise de goutte aiguë
La crise de goutte débute brutalement, par des douleurs souvent intenses, qui peuvent réveiller le malade la nuit. La crise dure de quelques jours à quelques semaines (les premières crises sont plus courtes et souvent moins intenses que les suivantes).
En général, surtout lors des premières crises, une seule articulation est touchée. Ultérieurement, plusieurs articulations peuvent l’être, voire les tendons (tendinite goutteuse) ou les bourses séreuses péri-articulaires (bursite goutteuse).
Le point le plus caractéristique est que la crise de goutte va disparaître d’elle-même, sans aucun traitement et tout va rentrer dans l’ordre sans séquelle, jusqu’à la prochaine crise. Pendant plusieurs années le « goutteux » va faire une crise de temps en temps (délai de 1 à 2 ans) mais celles-ci vont avoir tendance à se rapprocher au fil du temps.
La phase de goutte chronique
Après des années d’évolution, non seulement les crises sont plus fréquentes, mais la période entre deux crises est de plus en plus brève et symptomatique : il persiste des douleurs articulaires, les articulations se déforment et finissent par se détruire (il en résulte alors des douleurs moins intenses mais permanentes). On parle de goutte chronique.
À ce stade, les dépôts d’acide urique dans les tissus sont majeurs (on parle de tophus goutteux), parfois visibles sous la peau. Les dépôts les plus dangereux sont ceux qui se forment dans le rein qui finit par ne plus fonctionner correctement conduisant à l’insuffisance rénale.
Causes : qu'est-ce qui déclenche la goutte et les crises de goutte ?
Une concentration d’acide urique trop élevée dans le sang
« La goutte est due à une concentration trop importante d’acide urique dans le sang. L’acide urique est le produit de la dégradation par l’organisme de molécules présentes dans les aliments, appelées purines. L’acide urique est éliminé du sang principalement par les reins et le système gastro-intestinal », selon le docteur Alexis Mohebi. Des taux sanguins d’acide urique anormalement élevés peuvent résulter de :
- une diminution de l’élimination de l’acide urique par les reins (cause la plus fréquente) ou le système gastro-intestinal.
- une consommation trop importante d’aliments riches en purine et/ou d’alcool. Les aliments riches en purines comprennent la viande rouge et les abats rouges, les mollusques et les crustacés, les poissons gras comme la sardine et le maquereau, et les aliments qui contiennent du sirop de maïs (dont certaines sauces et boissons transformées).
- une production excessive d’acide urique (rarement).
Dans la majorité des cas, le taux d’acide urique dans le sang est anormalement élevé parce que les reins ne parviennent pas à l’éliminer en quantité suffisante dans les urines. Cette cause a généralement une explication génétique. D’autres éléments peuvent altérer la capacité des reins à éliminer l’acide urique incluant notamment : une maladie rénale, la prise de certains médicaments, une intoxication au plomb…
Des dépôts de cristaux sur une ou plusieurs articulation(s)
Des taux d’acide urique élevés dans le sang entraînent souvent des taux d’acide urique élevés dans les articulations. Ce processus peut alors aboutir à la formation de cristaux d’acide urique dans les tissus articulaires et à un épanchement excessif de liquide synovial dans les articulations (le tout conduisant à un gonflement articulaire).
Quels sont les facteurs de risque de la goutte ?
Les facteurs de risque de goutte sont :
- des antécédents familiaux de goutte ;
- l’avancée dans l’âge (et la ménopause chez la femme) : généralement la goutte ne survient pas avant 50 ou 60 ans ;
- l’alcoolisme ;
- la consommation excessive et chronique de bière (y compris sans alcool) et spiritueux ;
- la consommation excessive et chronique d’aliments et boissons à base de sirop de maïs à haute teneur en fructose ;
- la consommation excessive et chronique de certains aliments riches en purines (les anchois, les asperges, le consommé, les harengs, les sauces et bouillons de viande, les champignons, les moules, tous les abats, les sardines, le ris de veau, la viande rouge, le poulet et le poisson…) ;
- un faible apport en produits laitiers ;
- certains cancers et certaines maladies du sang (comme le lymphome, la leucémie et l’anémie hémolytique) ;
- la prise de certains médicaments (comme les diurétiques thiazidiques, la ciclosporine, le pyrazinamide, l’éthambutol et l’acide nicotinique) ;
- une intoxication par le plomb ;
- l’obésité ;
- les excès alimentaires ;
- d’autres maladies comme : insuffisance rénale, hypertension artérielle, troubles de la thyroïde, psoriasis… ;
- la radiothérapie ;
- la chimiothérapie anticancéreuse ;
- une maladie rénale chronique ;
- certaines anomalies enzymatiques rares ;
- le jeûne…
En cas de goutte, une crise de goutte peut être précipitée par :
- une lésion corporelle ;
- une maladie (comme une infection) ;
- une chirurgie ;
- l’instauration d’un traitement par certains médicaments (comme des diurétiques, l’allopurinol, le fébuxostat, le probénécide et la nitroglycérine, notamment la nitroglycérine administrée par voie intraveineuse, qui contient de l’alcool), pouvant entraîner une modification soudaine du taux d’acide urique dans le sang (mais, souvent, ces médicaments sont nécessaires d’un point de vue médical) ;
- la consommation de quantités importantes d’alcool ou d’aliments riches en purines (viandes rouges, poissons…).
Quelles sont les personnes à risque de goutte ?
La goutte touche essentiellement les hommes à partir de 50 ans et en particulier ceux issus d’une famille de « goutteux ». Certaines personnes sont tout particulièrement à risque :
- les personnes obèses ;
- les personnes souffrant d’autres maladies comme l’insuffisance rénale, l’hypertension artérielle, les troubles de la thyroïde, le psoriasis, l’alcoolisme, etc.
Quels sont les symptômes de la goutte ?
Dans une articulation, les dépôts d’acide urique entraînent une inflammation locale responsable de la crise de goutte. Celle-ci touche préférentiellement l’articulation du gros orteil, mais aussi toutes les articulations du pied, celles de la main, du coude, de la cheville ou du genou. Les autres articulations sont plus rarement touchées.
Les symptômes d’une crise de goutte
La crise débute brutalement, par des douleurs souvent intenses, qui peuvent réveiller le malade la nuit. Le gros orteil (le plus souvent touché) est rouge, chaud, gonflé. La douleur est pulsatile. Au niveau de la zone affectée, la peau devient souvent violacée et luisante. Parfois, le patient peut souffrir d’une légère fièvre entre 38 °C et 38,5 °C. La crise de goutte peut durer plusieurs jours à quelques semaines. Généralement les crises se prolongent et se rapprochent au fil des années.
Les symptômes de la goutte chronique
La goutte chronique se caractérise par des crises de plus en plus longues et fréquentes. En outre, les périodes entre les crises deviennent progressivement symptomatiques : le patient souffre de douleurs articulaires et ses articulations se déforment.
Comment peut-on prévenir la goutte ?
Afin de prévenir la survenue de la goutte, quelques recommandations peuvent être utiles :
- « les sujets à risque doivent éviter ou supprimer les aliments riches en purines (certaines viandes, poissons gras, coquillages et crustacés) », selon le spécialiste ;
- elles doivent, en revanche, privilégier les aliments alcalins (les fruits et légumes, sauf les champignons, les épinards, les choux, les asperges, l’oseille et les lentilles) ;
- il faut diminuer ou supprimer la consommation d’alcool, en particulier la bière (même lorsqu’elle est sans alcool) ;
- dans tous les cas, le sujet doit boire beaucoup d’eau, et spécialement des eaux minérales alcalines (Vichy Saint-Yorre ou Vichy Célestins).
- il est recommandé de perdre du poids en cas de surpoids ou d’obésité ;
- il est nécessaire de traiter un alcoolisme chronique sous-jacent ;
- il convient de traiter tout autre facteur de risque comme une maladie rénale ;
- il est conseillé de conserver une alimentation équilibrée et une activité physique régulière.
Diagnostic : comment savoir si on souffre de la goutte ?
Examen clinique
Le médecin établit son diagnostic à partir des symptômes caractéristiques d’une crise de goutte, mais également des antécédents personnels et familiaux d’hyperuricémie (taux d’acide urique dans le sang trop élevé). Deux types d’examens permettent de confirmer le diagnostic de la goutte : un examen biologique et un examen radiologique.
Examen biologique
Cet examen se résume au dosage de l’acide urique sanguin qui est élevé (ce dosage servira à suivre l’effet des traitements) et au dosage de la créatinine dans le sang (reflet de la fonction rénale).
Examen radiologique
Au stade de goutte aiguë, la radiographie des articulations touchées par les crises de goutte est normale. Au stade de goutte chronique, la destruction articulaire progressive est observée à l’imagerie.
Quel est le traitement de la goutte ?
« Le traitement de la goutte passe d’abord par la mise en place de mesures hygiéno-diététiques (perdre du poids, alimentation saine, éviction de l’alcool et des aliments riches en purine…). En outre, il faut distinguer le traitement de la crise et le traitement de l’hyperuricémie », selon l’expert.
Le traitement de la crise de goutte
Le traitement de l’accès aigu de goutte combine :
- le repos de l’articulation touchée (au lit donc pour une articulation du pied) et donc un arrêt de travail le temps que la crise disparaisse,
- des mesures antalgiques : poche de glace sur l’articulation, prises d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS… ), de colchicine.
Indiquée dans le traitement curatif et préventif de la goutte, la colchicine diminue l’inflammation et freine la production d’acide lactique. Attention toutefois au risque de surdosage : l’Agence du médicament (ANSM) émet régulièrement des alertes suite à un nombre toujours trop important d’intoxications à la colchicine. La dose de colchicine (posologie) a d’ailleurs été revue à la baisse en octobre 2023 (source 1).
Le traitement de l’hyperuricémie : les hypo-uricémiants (traitement de fond de la goutte)
C’est le traitement de fond de la goutte. Il consiste à retrouver une uricémie normale (les recommandations internationales préconisent de descendre au-dessous de 60 mg/litre) pour faire disparaître les crises de goutte. Si ce traitement de fond est mis en œuvre au stade de goutte aiguë, le malade est guéri (au prix de la prise quotidienne des médicaments). En revanche, s’il est administré au stade de goutte chronique, la goutte n’évoluera plus mais les dégâts articulaires déjà constitués ne seront pas réversibles.
Un traitement hypo-uricémiant n’est prescrit que lorsque le malade fait plus d’une crise par an. On utilise des hypo-uricémiants de différents types : ceux qui diminuent la production d’acide urique (comme l’allopurinol) ou ceux qui augmentent l’élimination rénale de l’acide urique (uricosuriques).
La goutte peut être associée à d’autres pathologies : hypertension artérielle, cholestérol élevé, obésité, diabète, syndrome métabolique… Ces pathologies doivent toutes être traitées simultanément.
Remerciements au Dr Alexis Mohebi, gériatre à Neuilly-sur-Seine , membre des équipes du Centre de traitement du cancer HORG et de l’Institut Rafaël.