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Cirrhose : tout savoir sur cette maladie du foie

Cirrhose : tout savoir sur cette maladie du foie © Adobe Stock / eddows

Publié par Dora Laty  |  Mis à jour le Expert : docteur Olivier Spatzierer - Gastro-entérologue et hépatologue à Paris.

La cirrhose est une maladie grave et chronique du foie. Principalement liée à une consommation excessive d'alcool, depuis plusieurs années, on constate une hausse importante de cirrhoses non liées à l'alcool. Explications avec le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue et hépatologue à Paris.

Définition : qu'est-ce que la cirrhose ?

La cirrhose désigne une maladie grave et chronique du foie.

Ce terme a été créé en 1819 par le médecin René Laennec composé du grec ancien κιρρός, kirrhós (« roux ») en référence à la production granuleuse, d’un jaune-roux, caractéristique de la maladie, et du suffixe -ose. Ce dernier désigne un processus aboutissant à un changement anatomopathologique de l'architecture de l'organe.

La cirrhose entraîne une nécrose (ou destruction) des cellules du foie (hépatocytes) suivie de leur régénération anarchique sous forme de nodules. Elle provoque aussi la production d'une grande quantité de tissus cicatriciels ("fibrose"). La cirrhose est la complication irréversible d'une fibrose, qui elle peut encore guérir. 

La cirrhose du foie entraîne progressivement la perte des fonctions de l’organe, à l'origine de multiples complications. Pendant longtemps la maladie est silencieuse : on parle de cirrhose compensée. Mais sans prise en charge satisfaisante, à terme, des symptômes apparaissent et la maladie compromet le pronostic vital. En effet, le foie, organe le plus volumineux de notre corps, exerce de nombreuses fonctions vitales. Une "panne" de ce filtre à toxines et réservoir nutritionnel compromet la survie.

Les principaux facteurs de risque de la cirrhose du foie sont l’alcoolisme, les hépatites virales et l’obésité.

Le traitement doit d'abord cibler la cause de la cirrhose, il vise aussi à soulager les symptômes. Si l'évolution de la maladie peut être ralentie, la cirrhose demeure un mal irréversible.

Quelle est la fréquence de la cirrhose ?

 

  • La cirrhose du foie touche environ 200 000 personnes en France.
  • Environ 66 000 patients sont à un stade avancé de la maladie.
  • La cirrhose du foie entraîne entre 10 000 et 15 000 décès chaque année en France.
  • La maladie survient généralement après 50 ans

Causes : à quoi est due la cirrhose ?

La cirrhose résulte d'une agression répétée du foie entraînant sa nécrose (mort des cellules hépatiques) puis une inflammation chronique. Si la cause de ces anomalies n'est pas éliminée, il s'ensuit la formation de nodules de régénération entourés de tissus cicatriciels. Cette formation cicatricielle à base de collagène est appelée "fibrose".

Selon l'ampleur des dommages subis par le foie, nous distinguons 4 stades de la fibrose et nous ne parlons de cirrhose qu’à partir du quatrième et dernier stade : il existe alors une quantité massive de tissus cicatriciels dans le foie

Si la cirrhose est souvent associée à l’abus d’alcool, il existe différentes causes, comme l'explique le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue et hépatologue à Paris :  "il y a d’abord l’alcool, puis les hépatites virales et les hépatites chroniques. La troisième cause ce sont les hépatites auto-immunes, et enfin la quatrième, les hépatites de surcharge. C'est ce qu’on appelle la stéatose hépatique non alcoolique, c'est à dire l’obésité. C’est la première cause de transplantation du foie en France".

Quels sont les facteurs de risque de la cirrhose ?

Il existe différents cas de cirrhose :

  • la cirrhose alcoolique (la moitié des cas) apparaît après une intoxication alcoolique de longue durée. C'est le premier facteur de risque de cirrhose en France ;
  • la cirrhose post-hépatique représente le stade terminal d’une hépatite B, C ou D de type chronique. Il s’agit de la forme la plus courante après la cirrhose alcoolique ;
  • une maladie hépatique auto-immune : la cholangite biliaire primitive (CBP) ou la cholangite sclérosante primitive (CSP) ;
  • la cirrhose peut être due à un obstacle qui empêche l’écoulement de la bile. Elle apparaît souvent après une intervention chirurgicale qui provoque le rétrécissement d’un canal biliaire.

La cirrhose peut être causée par certaines maladies comme :

  • l’hémochromatose (maladie héréditaire amenant une surcharge de fer dans l'organisme) ;
  • la maladie de Wilson (maladie génétique liée à une accumulation anormale de cuivre sur les tissus de l’organisme, principalement dans le cerveau et le foie) ;
  • des anomalies métaboliques congénitales (déficit en alpha1-antitrypsine…) ;
  • des infections (échinococcose…) ;
  • des atteintes de la circulation hépatique (thrombose de la veine porte…) ;
  • une intoxication par des médicaments (méthotrexate, amiodarone…) ou par des toxines environnementales ;
  • une insuffisance cardiaque : elle peut occasionner une congestion du foie.

Depuis plusieurs années, on constate un nombre croissant de cirrhoses non liées à l'alcool. Il s'agit alors d'une conséquence hépatique de l'obésité et plus précisément du syndrome métabolique qui engendre l'accumulation de graisses dans le foie (nous parlons alors de NASH ou "Non Alcoolic Fatty Liver Diseases").

Le syndrome métabolique désigne un ensemble de troubles liés à l’obésité dont fait partie le diabète de type 2. Le diagnostic de syndrome métabolique est posé lorsqu’un individu possède un tour de taille élevé (obésité viscérale) associé à au moins deux autres anomalies prédéfinies (telles qu’une glycémie élevée, une insulinorésistance, un taux élevé de cholestérol ou de triglycérides et/ou une hypertension artérielle). 

Quels sont les symptômes de la cirrhose ?

Il peut ne pas y avoir de symptômes de la cirrhose pendant des années, ou ils peuvent juste passer inaperçus. On note une perte d’appétit, une perte de poids, une fatigue généralisée. 

Les manifestations, même tardives, peuvent être :

  • des démangeaisons ;
  • une jaunisse : coloration jaune de la peau et du blanc des yeux. Elle est liée à l’augmentation de la concentration de la bilirubine dans le sang et les tissus ;
  • des saignements digestifs ;
  • la présence de liquide dans la cavité abdominale qui entraîne une augmentation du volume de l’abdomen (ascite). Le ventre est particulièrement gonflé tout en restant ferme. Ce "gros ventre" est lié à un gonflement du foie (hépatomégalie) mais aussi parfois de la rate (splénomégalie) ;
  • une visibilité anormale des veines sous-cutanée distendues au niveau de l'abdomen (angiomes stellaires). Ces signes sont ceux de l’hypertension portale qui entraîne également la survenue de varices au niveau de l’œsophage à fort risque hémorragique.

La cirrhose peut faire apparaître des signes d'insuffisance hépatique

Des signes d’insuffisance hépatique peuvent apparaître comme :

  • des anomalies de la coagulation ;
  • des troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma ;
  • des taches rouges sur la peau (correspondant à l’apparition d’artérioles visibles au niveau du visage, du cou, du thorax, des membres supérieurs) ;
  • les paumes des mains rouges ;
  • des troubles hémorragiques : ecchymoses (bleus), saignements fréquents des gencives et du nez, purpura… ;
  • des ongles blancs et striés.

Mais aussi :

  • une faiblesse musculaire par amyotrophie ;
  • une anémie ;
  • un arrêt des règles chez la femme ;
  • une perte de la pilosité ;
  • une atrophie testiculaire chez l'homme ;
  • une augmentation de volume de la poitrine chez l’homme (gynécomastie) ;

La cirrhose du foie est une maladie irréversible et qui dure toute la vie. Toutefois, il est possible de ralentir son évolution en traitant sa cause.

Quelles sont les complications de la cirrhose ?

À un stade avancé de la maladie, plusieurs complications sont possibles :

  • l’encéphalopathie hépatique : ensemble des manifestations neuropsychiques liées à l’insuffisance hépatique. Elle est due à l’incapacité du foie à filtrer l’ammoniaque alors présente dans le sang et toxique pour le cerveau. Les premiers signes cliniques sont des tremblements. Par la suite, les troubles du comportement et de la conscience signeront le stade 2 de cette complication. Enfin, les convulsions et le coma sont caractéristiques de la phase terminale.
  • l’hypertension portale : elle est causée par la fibrose hépatique qui fait obstacle aux flux sanguins, augmentant la pression dans la veine porte (une veine de gros calibre qui conduit le sang provenant de la partie du tube digestif située sous le diaphragme, du pancréas et de la rate, vers le foie). Le sang emprunte donc d’autres voies autour du foie afin de contourner l’obstacle. Ces dernières voies se dilatent formant des varices. Le risque est alors l’hémorragie par rupture de ces varices œsophagiennes. Des symptômes cliniques sont une alerte : vomissements et selles sanglantes. Un risque à craindre est celui d'un choc hypovolémique (baisse de la tension artérielle par diminution de la quantité de sang dans l’organisme).
  • le syndrome hépatorénal (SHR) : il associe une insuffisance rénale fonctionnelle, une baisse du sodium et une ascite avancée. Il survient à un stade évolué de la cirrhose. Il peut être aigu et alors fatal ou d’évolution lente.
  • les complications pulmonaires : elles se caractérisent par une hypertension porto-pulmonaire (augmentation de la pression artérielle pulmonaire), un hydrothorax hépatique (complication de l’ascite qui migre vers la cavité pleurale) et par le syndrome hépato-pulmonaire (associant une baisse d’oxygène dans le sang et une vasodilatation pulmonaire. Ce syndrome est irréversible en l’absence de traitement.
  • le cancer du foie dont la cirrhose peut favoriser la survenue.

Cirrhose du foie : qui et quand consulter ?

Lors de l’apparition d’une hémorragie digestive par vomissements ou l’émission de sang par le rectum, il est important de consulter un médecin rapidement. La confusion mentale doit alerter les proches.

Quels que soient les signes et l’avancée de la cirrhose, il est impératif de consulter un médecin pour une prise en charge appropriée.

Comment peut-on prévenir la cirrhose ?

Pour éviter la cirrhose, il est utile de suivre quelques conseils, comme l'explique le docteur Olivier Spatzierer, gastro-entérologue et hépatologue à Paris : "pour éviter d’avoir une cirrhose, évidemment, on essaie de diminuer les facteurs qui peuvent entraîner une toxicité au niveau du foie. Ça veut dire éviter l'alcool, éviter de prendre du poids, faire les vaccins nécessaires, et puis éviter de prendre de trop de médicaments toxiques si on a une fragilité hépatique. Mais encore une fois, la plus grande cause aujourd'hui, c'est l'obésité".

On peut donc : 

  • arrêter totalement la consommation d’alcool ;
  • chez une personne à risque, effectuer des examens de contrôle de la fonction hépatique régulièrement pour vérifier l'absence de cirrhose ;
  • respecter les mesures de prévention contre la transmission sanguine ou sexuelle des virus de l'hépatite B ou C (port du préservatif…) ;
  • le diagnostic et la prise en charge d'une hépatite virale permet de limiter les dommages hépatiques ;
  • éviter autant que possible la consommation de médicaments dont l'élimination se fait par le foie (le médecin adapte les doses s’ils sont indispensables) ;
  • vacciner les enfants contre l'hépatite B avant l’adolescence s’il n’existe pas de contre-indication.

Comment est établi le diagnostic de cirrhose ?

Des premiers examens sanguins sont révélateurs d’un trouble hépatique par des résultats anormaux d’enzymes du foie (phosphatases alcalines, GGT , ALAT, ASAT…).

Par la suite un certain nombre d’examens permettent le diagnostic de cirrhose du foie :

  • l’élastométrie impulsionnelle sonore (Fibroscan®) : elle permet d’évaluer le stade de la fibrose en mesurant l’élasticité du foie à l’aide d’une sonde d’échographie modifiée ;
  • la biopsie hépatique : elle est réalisée par ponction. Elle permet le diagnostic de la cirrhose par détection de nodules de régénération.

En cas de cirrhose avérée une endoscopie digestive haute sera toujours réalisée afin de rechercher d’éventuelles varices œsophagiennes susceptibles d’entraîner une hémorragie. 

Enfin des examens viendront préciser le stade de la cirrhose :

  • un bilan sanguin. À un stade évolué de la maladie nous observons : déficit plaquettaire (thrombopénie), une augmentation du temps de coagulation, une augmentation de bilirubine, une baisse de l'albumine ;
  • des examens d'imagerie médicale. En stade compensé : les examens radiologiques révèlent une augmentation du volume du foie et de la rate ; en stade décompensé : les examens dévoilent au contraire une atrophie du foie mais aussi une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen) ou encore une obstruction de la veine porte.

Quels sont les traitements de la cirrhose ?

En cas de cirrhose, la première mesure à suivre est :

  • la prise en charge adaptée de la maladie responsable de la cirrhose (alcoolisme chronique, syndrome métabolique, hémochromatose…) ;
  • l’arrêt d’éventuelles substances toxiques pour le foie (médicaments…) ;

Les complications devront aussi être prises en charge. À un stade avancé, la greffe peut être indispensable. 

Le traitement des causes de la cirrhose

Il n’existe pas de traitement efficace contre la cirrhose car elle est irréversible. Toutefois, la cause doit être traitée à l'aide de : 

  • un sevrage alcoolique ;
  • le traitement par antiviral d’une hépatite B,C ou D ;
  • le traitement des maladies du surcharge (maladie de Wilson ou hémochromatose) ;
  • les traitements des cholangites primitives (sclérosante ou biliaire) ;
  • l’arrêt du médicament ou la suppression de l’agent en cause en cas l’hépatite toxique ;
  • le traitement de l’insuffisance cardiaque (qui passe par la prise de médicaments et une bonne hygiène de vie).

Le traitement des complications de la cirrhose du foie

  • L’encéphalopathie hépatique : un régime alimentaire équilibré est recommandé. Une transplantation peut être envisagée.
  • La dénutrition : un régime alimentaire équilibré et des compléments alimentaires peuvent être administrés.
  • L’hypertension portale : il s’agit là d’éviter le risque d’hémorragie. Le traitement consiste à la prise de bêtabloquants et de laxatifs (contre la constipation). En cas de contre-indication aux bêtabloquants, la ligature des varices est à renouveler toutes les deux semaines. La rupture des varices est une urgence médicale absolue.
  • L’ascite : des diurétiques sont prescrits pour évacuer la surcharge en eau et en sel. Des ponctions abdominales permettent l’évacuation du liquide rachidien.
  • Le syndrome hépatorénal (SHR) : il peut être fatal en deux semaines. Toutefois, s’il répond favorablement aux traitements (pose d’un TIPS), on peut parfois envisager une transplantation.
  • Les complications pulmonaires. L'hydrothorax hépatique : pose d’un TIPS, prise de diurétiques, régime sans sel ; le syndrome hépato-pulmonaire : mise sous oxygène avec transplantation ; l'hypertension portopulmonaire : arrêt des traitements bêtabloquants.
  • Le cancer du foie (carcinome hépatocellulaire) : chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie…

Parfois le recours à la greffe est nécessaire

La transplantation constituent le seul traitement de fond à proprement parler. Les patients pouvant recevoir ce traitement sont ceux dont le pronostic vital est fortement engagé (score MELD élevé et espérance de vie inférieure ou égale à trois mois). Environ 1 000 patients sont transplantés chaque année en France, avec une survie à cinq ans de plus de 80%. La durée de vie du greffon est de plus de 20 ans.

Le traitement et le suivi médical à la suite d'une cirrhose

A la suite de la transplantation, un traitement immunosuppresseur est nécessaire.

Un suivi médical annuel ou bisannuel doit être mis en place pour les personnes atteintes de cirrhose.

Sources

Publié par Dora Laty  |  Mis à jour le Expert : docteur Olivier Spatzierer - Gastro-entérologue et hépatologue à Paris.

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