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Comment la musique agit sur notre cerveau ?

Femme écoutant de la musique au casque dans un train © Oscar Wong / Moment

Publié le par Anne Van Waerebeke

En collaboration avec Hervé Platel (Professeur de neuropsychologie à l’université de Caen) et Emmanuel Bigand (Contrebassiste, professeur de psychologie cognitive à l’Institut universitaire de France)

C’est l’art le plus partagé sur terre. Elle booste notre énergie, nous apaise, nous émeut, nous rassemble et nous fait danser. Quel que soit le style que l’on écoute, elle a sur notre cerveau un effet stimulant, protecteur et réparateur. Quels sont tous ses effets sur notre cerveau ? Deux experts nous en disent plus.

Un morceau de musique, c’est une mélodie, une structure rythmique, éventuellement des paroles, mais aussi des émotions et souvent, des souvenirs : un ensemble complexe qui mobilise de nombreuses régions du cerveau, et qui a sur lui des pouvoirs étonnants. L’écoute de la musique ne stimule pas uniquement les régions auditives du cerveau, comme on l’a longtemps cru.

Plusieurs régions liées à la motricité volontaire, à la mémoire, au traitement de l’émotion ou encore associées à la recherche du plaisir s’activent dès que nous prêtons une oreille attentive à la musique. Les circuits qui relient toutes ces zones entre elles sont alors très sollicités : ainsi, les connexions se multiplient et se renforcent au sein de chaque hémisphère, mais aussi entre les deux hémisphères. La musique stimule ainsi la matière grise (les neurones) et la matière blanche (les fils qui les relient).

Il y a finalement très peu de régions cérébrales qui ne sont pas impliquées dans la musique. Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’université de Caen.

La musique développe la plasticité cérébrale

Lorsqu’on écoute de la musique, des milliards de neurones s’activent simultanément : une véritable « symphonie neuronale », selon Emmanuel Bigand, contrebassiste et psychologue. C’est dans ce foisonnement de neurones en action que l’on observe l’un des bienfaits majeurs de la musique sur le cerveau : elle développe la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la faculté du cerveau à se transformer, à se réparer, à se développer, en réorganisant en permanence ses réseaux, en créant de nouvelles connexions, en renforçant celles qui existent et même en fabriquant de nouveaux neurones. Ainsi, au son de cette symphonie, le cerveau s’enrichit, se densifie, étend ses circuits de manière exponentielle.

Cela nous rend-il plus intelligents ?

Presque. En tout cas, de même que la construction de nouvelles voies fluidifie le trafic routier, la multiplication et le renfor- cement des réseaux de neurones fluidifient la circulation de l’information, augmentent sa vitesse de traitement et en fin de compte, rendent notre cerveau plus performant. En reliant entre elles des zones cérébrales très éloignées, la musique permet un « dialogue cérébral » optimum. Plus notre cerveau est plastique, mieux il fonctionne. Et mieux il s’adaptera à notre évolution, en tricotant de nouveaux réseaux pour remplacer ceux qui deviennent obsolètes.

La musique renforce la mémoire

Nul besoin de réviser pour mémoriser les morceaux qui nous plaisent : le travail se fait tout seul et dans l’allégresse. L’écoute musicale mobilise naturellement l’hippocampe, centre de la mémoire, ainsi que les zones temporales dites « associatives », qui nous permettent de retrouver dans quel contexte nous avons écouté un morceau : avec qui nous étions, quelles émotions ont émergé… Notre mémoire ravive ces émotions. Elle nous permet également d’anticiper notre passage musical préféré, ce qui décuple le plaisir ressenti. Mémoire et émotion sont intrinsèquement liées : plus un air déclenche d’émotions, mieux on le mémorise.

Si l’écoute musicale stimule plusieurs types de mémoire, la pratique les muscle rapidement : jouer d’un instrument suppose d’enregistrer la mélodie, de visualiser la partition et de mémoriser les mouvements nécessaires (position des doigts, gestes et posture globale). Dès quelques semaines d’apprentissage, le cerveau du musicien se transforme. Le processus évoluera avec la durée et l’intensité de la pratique.

L’imagerie cérébrale montre que la mémoire musicale utilise des circuits neuronaux très variés, c’est sans doute la raison de sa grande résistance. Les souvenirs musicaux sont en effet les derniers à s’effacer lorsque la mémoire décline. Hervé Platel et ses étudiants ont même réussi à implanter une nouvelle mélodie dans la mémoire défectueuse de patients à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer : au cours de cet atelier, ils ont mémorisé un chant dont ils se souviennent des mois plus tard… C’était censé être impossible, mais la musique a trouvé à se fixer par des chemins de traverse, qui utilisent le plaisir et la motivation.

La musique soutient la motricité

L’écoute d’un morceau rythmé déclenche naturellement l’envie de bouger en cadence, même chez le bébé. Cette « boucle auditive et motrice », qui finit par nous faire danser, est encore plus développée chez les musiciens, puisque leurs gestes fabriquent les mélodies.

Des chercheurs ont eu l’idée de solliciter cette boucle en introduisant de la musique dans la rééducation motrice de personnes atteintes de Parkinson ou victimes d’un AVC. Résultat : les patients de ces ateliers musicaux récupèrent une meilleure motricité que ceux des ateliers de rééducation classique. Qui plus est, ils le font dans une ambiance de plaisir.

La musique diffuse les molécules du bien-être

Écouter de la musique stimule le fameux « circuit de la récompense », un réseau qui, en libérant des substances chimiques (neurotransmetteurs), déclenche une puissante vague de plaisir dans le cerveau : c’est le « frisson musical », principalement dû à l’afflux de dopamine, véritable élixir de bonheur.

À l’origine, le rôle du circuit de la récompense est de renforcer les comportements qui font du bien à l’organisme. Lorsque la consommation d’alcool ou de drogues parasite ce circuit, l’addiction se renforce. Lorsqu’il s’agit de musique, le plaisir est aussi intense, mais sans danger ni dépendance.

La musique est un antidépresseur naturel. Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’université de Caen

La musique freine le vieillissement

Que se passe-t-il lorsque notre cerveau vieillit ? Nos fonctions exécutives étant moins actives, nos facultés de raisonnement commencent à s’effriter et on observe une certaine mécanisation de la pensée. Les procédures d’action rétrécissent, c’est-à-dire que le cerveau s’enferme dans ses habitudes. La plasticité cérébrale se réduit. La flexibilité mentale diminue également. Il s’agit de la faculté psychique de s’intéresser à la nouveauté et de s’y adapter. La pensée devient plus rigide, moins ouverte. Un peu comme des « rhumatismes cérébraux », ces processus nuisent au bien-être.

En préservant la plasticité cérébrale, donc la capacité du cerveau à se réparer en réorganisant ses réseaux, la musique permet au cerveau vieillissant de rester souple et adaptable. De plus, la découverte d’artistes et l’écoute de nouveaux styles musicaux soutiennent la flexibilité mentale. La musique étant une activité motivante et source de plaisir, elle fait travailler nos neurones sans effort ni contrainte. Elle agit sur le cerveau comme un baume de jouvence. Elle mérite mieux qu’une oreille distraite : il suffit de l’écouter !

La musique développe les compétences sociales

Ce plaisir, on a envie de le partager. La musique est un langage universel qui nous relie aux autres à travers l’émotion qu’il procure. Lorsqu’on découvre un nouveau morceau qui nous émeut, on a envie de le faire écouter à autrui. Six chercheurs français ont publié en mai dernier une étude montrant que plus on partage l’expérience d’écoute musicale, plus on en éprouve de plaisir, et plus on se comporte de façon altruiste : ces trois données sont corrélées.

La musique développe le sens de l’autre : en écouter ensemble permet de se connecter émotionnellement à l’autre et d’être à l’écoute de son état psychologique. Emmanuel Bigand, contrebassiste, professeur de psychologie cognitive à l’Institut universitaire de France.

Ainsi, lorsque de jeunes apprentis musiciens forment un petit orchestre, ils apprennent à s’écouter, à tenir compte de ce que fait et ressent l’autre. Les connexions se densifient dans les régions du cerveau liées aux émotions sociales, leurs qualités d’empathie augmentent. Ils se sentent plus à l’aise, s’intègrent plus facilement à un groupe. La musique est un excellent vecteur de socialisation.

Sources

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