Santé Magazine, le féminin qui fait du bien !

Plastiques : les sols encore plus pollués que les océans selon une expertise scientifique française

Microplastiques colorés collés sur des doigts humains. © Alistair Berg/Getty Images

Publié le par Hélène Bour

Les résultats d’une expertise scientifique collective sur le plastique dans l’agriculture et l’alimentation viennent d’être rendus publics. Ils sont édifiants et sans appel : le plastique est partout.


C’est un éclairage pour les pouvoirs publics, un état des connaissances sur le sujet, pour aider à la prise de décisions et de mesures adéquates. Trente chercheuses et chercheurs du CNRS et de l’INRAE ont ainsi passé au crible plus de 4 500 publications dont plus de 90 % de publications académiques et une centaine de textes législatifs et réglementaires, afin de fournir à l’Agence de la transition écologique (ADEME) et les ministères en charge de l’agriculture et de l’alimentation et de la transition écologique une expertise, qu’ils avaient demandée. Les experts se sont concentrés sur les usages des plastiques en France métropolitaine et en Europe, avec toutefois un périmètre élargi pour ce qui concerne la production, la gestion des déchets et les impacts du plastique.

Pour les emballages essentiellement

Il en ressort qu’aujourd’hui, l’essentiel des usages des plastiques dans les domaines agricole et alimentaire se concentre sur les emballages alimentaires : en France en 2023, 20 % des plastiques utilisés seraient destinés à ces secteurs dont :

  • 91 % servent à l’emballage des aliments et boissons,
  • et les 9 % restants à l’agriculture. Et parmi les plastiques agricoles, 73 % sont utilisés dans les élevages, notamment pour conserver les fourrages (bottes de foin etc.).

L’expertise indique que la composition et la structure des plastiques se sont complexifiés, notamment par l’ajout d’additifs et de couches multiples, rendant le recyclage plus difficile.

La migration comme voie de contamination

À la lecture de la littérature scientifique sur le sujet, les scientifiques de l’INRAE et du CNRS rapportent que plus de 1 000 constituants des plastiques ont été identifiés comme ayant une capacité de migration des plastiques vers les aliments avec lesquels ils sont en contact. Les plus étudiés sont la migration à partir de plastiques pétrosourcés (la littérature est rare sur les plastiques biosourcés) et la migration d’emballages alimentaires en plastique.

Les emballages alimentaires sont concernés, mais aussi la vaisselle en plastique, et les ustensiles de cuisine. Il a par ailleurs été démontré que la migration est influencée par des facteurs externes liés à différentes conditions de stockage (par exemple le rayonnement solaire) et de cuisson (la température notamment), ainsi que par les caractéristiques des aliments (acidité et teneur en matières grasses).

La pollution plastique n’a pas de frontières

Les résultats de l’expertise mettent par ailleurs en évidence la contamination massive des écosystèmes, et notamment des sols, par les microplastiques, voire par des nanoplastiques, de la taille du nanomètre (un milliardième de mètre). La contamination des sols par les microplastiques dépasserait même celle des océans, selon l’expertise.

Tous les organismes vivants sont contaminés par des microplastiques, retrouvés dans la plupart des organes (poumons, système digestif, placenta humain, lait maternel,..). Là, selon des études précliniques, micro et nanoplastiques induisent des pathologies, notamment sur le système reproducteur (du fait de leur effet perturbateur endocrinien entre autres), des inflammations, des fibroses. Et ce en sachant qu’on en sait encore peu sur les effets des nanoplastiques.

Les chercheurs alertent en particulier sur l’effet “cheval de Troie” des microplastiques : ils ont la capacité d’adsorber et de désorber d’autres contaminants, une fois dans notre organisme. Cela a été démontré au niveau moléculaire, et sur certains organismes de la faune sauvage et les animaux d’élevage (cadmium chez le bétail, antibiotiques chez les volailles et les collemboles, hydrocarbures aromatiques polycycliques chez les poissons et les moules d’eau douce, glyphosate chez la carpe commune ou encore pesticides dans les sols). L’impact des microplastiques sur le fonctionnement des écosystèmes pourrait, à terme, menacer notre approvisionnement en nourriture, si l’on en croit cette expertise.

Les chercheurs rappellent donc que les plastiques ont un impact sur la santé humaine, et notamment chez les plus fragiles (enfants, bébés in utero), et que cela a un coût pour la société.

Est-ce soutenable de continuer à utiliser des plastiques ?

Si les experts se gardent bien de donner des recommandations explicites, ils insistent sur le consensus scientifique qui existe quant à la nécessité d’une réduction de la production et de l’usage des plastiques. Ils soulignent que le recyclage peut détourner des stratégies de réemploi, et “renforcer l’idée que consommer du plastique reste acceptable”. Et, même biosourcé, le plastique reste du plastique. Les auteurs de l’expertise rappellent que des stratégies de réduction du plastique existent, même si les moyens concrets de leur mise en œuvre sont limités. Ils citent notamment la directive sur les plastiques à usage unique (pailles, couverts, assiettes), ou l’interdiction des sacs plastiques à usage unique dans les caisses des supermarchés (depuis le 1er juillet 2016). Ou encore la loi antigaspillage pour une économie circulaire, qui prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.

Sources
OSZAR »