La somnolence au volant est la première cause de mortalité sur autoroute : sur la période 2015-2019, elle a été le principal facteur d’accident mortel. De plus, le pic des accidents lié à la somnolence survient entre 13h et 15h en période diurne. En cette période de départs en vacances, la Fondation VINCI Autoroutes publie les premiers résultats d’une étude réalisée dans le cadre de son programme de recherche dédié à la prévention de la somnolence au volant, et menée en laboratoire avec la participation d'un chronobiologiste*. Celle-ci a pour objectif de comparer l’efficacité sur la vigilance et la conduite d’une sieste réalisée à la mi-journée, dans la voiture ou dans un lit, à celle d’une pause sans sieste.
L’étude a consisté à demander à 20 hommes et 20 femmes en bonne santé, dormant plus de 8 heures en moyenne et sans trouble du sommeil, d’effectuer un trajet autoroutier. L’expérimentation débutait le matin par 2 heures de conduite sur simulateur puis elle se poursuivait au moment de la pause méridienne par la prise d’une collation puis par une pause qui variait selon trois conditions : station assise en restant éveillé, sieste dans un lit, sieste dans un fauteuil similaire à un siège de voiture. Dans ces deux dernières situations, les participants ont déclaré avoir dormi, ce qui a été confirmé grâce à des analyses polysomnographiques. Ils reprenaient ensuite la conduite sur simulateur pour 2 heures.
La sieste plus efficace qu'une pause sans sommeil contre la somnolence
Chacun des 40 participants a réalisé trois trajets, trois jours différents, pour expérimenter les trois situations. Plusieurs outils de mesure ont été utilisés pour enregistrer les variables cognitives (somnolence, fatigue et anxiété), physiologiques (mesure de la puissance musculaire et de la coordination motrice...), et leur comportement de conduite a été mesuré via le simulateur. Les résultats de cette expérience ont dans un premier temps permis de confirmer que la vigilance baisse après 2 heures de conduite. D'où la nécessité d'une pause. Après les 2 heures de conduite du matin, la fatigue, la somnolence et l’anxiété sont bien présentes alors que les conducteurs ont bien dormi avant l’expérimentation.
Il s'avère que quel que soit le type de pause (sieste dans un lit, sur le siège de sa voiture ou pas de sieste du tout), la fatigue enregistrée après la pause est 25 % moins importante que celle enregistrée avant. « L'arrêt après 2 heures de conduite, recommandé par les experts, est donc totalement justifié. », notent les auteurs de l'étude. Mais cette dernière a surtout mis en évidence l’efficacité de la sieste pour prévenir la fatigue et la somnolence.
« Lorsque les sujets n’ont pas dormi pendant la pause du midi, dès la reprise de conduite l’après-midi, la fatigue s’accumule. Après 20 minutes, ce niveau de fatigue va même être supérieur à ce qu’il était après 2 heures de conduite le matin ».
Comment l'absence de sieste augmente le risque d’accident
A l’inverse, pour les personnes ayant fait une sieste sur le siège de la voiture ou dans un lit, la récupération est plus marquée. Si la sieste sur un siège est légèrement moins efficace que dans un lit, le niveau de fatigue reste inférieur à celui enregistré après les 2 heures de conduite du matin, et ce même après 2 heures de conduite. L’analyse des deux paramètres qui évoluent souvent ensemble, à savoir la vigilance et la somnolence (quand la vigilance baisse, la somnolence augmente et vice-versa) confirme ce constat. Dormir pendant la pause du midi permet d'améliorer la vigilance (+21% après 1 heure de conduite) et de diminuer la somnolence dès la reprise de la conduite l’après-midi (-39% après 1 heure).
De nouveau, bien que la sieste sur un lit soit plus efficace, les bénéfices de la sieste sur le siège d'une voiture sont supérieurs à ceux de la pause sans sommeil. En ce qui concerne l’anxiété, les résultats montrent que la pause a porté ses fruits pendant les deux heures de conduite de l’après-midi. « Les résultats confirment qu'il y a bien une baisse de vigilance ''naturelle'' en début d'après-midi et attestent de l'efficacité de la sieste comme contre-mesure à cette baisse et à l'augmentation de la fatigue. Intégrer une courte sieste à la mi-journée dans sa vie quotidienne est un bon moyen de maintenir ses performances. Lorsque l'on conduit, c'est essentiel. », souligne Damien Davenne, chronobiologiste.
Enfin, les mesures réalisées via le simulateur de conduite montrent que les trajets effectués avec une pause sans sieste entraînent plus de déviations latérales du véhicule, signe d'instabilité de la conduite (leur fréquence est un indicateur pour prédire le risque d’accident). Et à l’instar de ces écarts latéraux, les risques que le véhicule dépasse les limites de sa voie en faisant des écarts sont multipliés par deux en début d’après-midi.
« Alors que plus de 3 conducteurs français sur 5 (62 %) déclarent ne jamais ou rarement faire de sieste au cours d’un long trajet, il est important de rappeler les vertus de cette bonne pratique, source de bien-être et de sécurité », conclut la Fondation VINCI Autoroutes.
*Damien Davenne, chronobiologiste, professeur à l'Université de Caen Normandie et directeur de l’unité mixte de recherche COMETE2 INSERM/ Unicaen dédiée aux mobilités.