Avez-vous déjà ressenti un léger sifflement dans vos oreilles ? Ce bruit mystérieux survient de manière occasionnelle, en l’absence de bruit, au niveau de votre oreille droite, gauche, voire des deux ? Vous êtes la seule personne à l’entendre ? Alors vous êtes sans doute en proie à des acouphènes, aussi connus sous le nom de bourdonnements d’oreille. Comme nous l’explique le Pr Hung Thai-Van, médecin ORL, chef du service d’audiologie et d’explorations oto-neurologiques au CHU de Lyon et président de l’association francophone des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie, leurs causes peuvent être nombreuses et paraître anecdotiques (comme la présence d’un bouchon de cérumen), mais elles doivent être identifiées pour prévenir toute complication et altération de la qualité de vie.
Sifflements dans l’oreille droite ou gauche : à quoi ressemblent-ils ?
En France, près de 10 % des adultes souffrent d’acouphènes, rappelle le Pr Thai-Van. Ces bruits parasites peuvent concerner une ou deux oreilles et ont la particularité de se manifester en l’absence de toute stimulation sonore extérieure. Autrement dit, les patient(e)s sont les seules personnes à entendre les bruits en question : « on parle de perception auditive fantôme », indique le médecin ORL.
Ils et elles décrivent généralement : un sifflement aigu, parfois pulsatile, semblable au son d’une bouilloire qui siffle, un bourdonnement constant équivalent au bruit d’une ruche d’abeille en activité, un grésillement comparable à celui d’une station de radio hors fréquence, un cliquetis ou un martèlement équivalent à celui d’une machine à écrire, voire des vrombissements de moteur. « Par moments, certaines personnes disent même avoir l’impression qu’un train passe dans leurs oreilles », atteste le Pr Thai-Van.
Quoi qu’il en soit, ces bruits peuvent être intermittents ou permanents. « Dans la majorité des cas, les sifflements et autres sons perturbants durent quelques secondes ou quelques minutes et s’atténuent. Mais, au fil du temps et des éventuels traumatismes sonores, ils peuvent devenir de plus en plus fréquents, voire constants, et s’accompagner d’autres symptômes comme une baisse auditive, une surdité ou une hypersensibilité auditive, des vertiges et des troubles de l’équilibre », prévient le médecin. S’ils ne sont pas dangereux en eux-mêmes, les acouphènes peuvent donc devenir très invalidants au quotidien
Causes : d’où viennent ces bourdonnements ou sifflements dans nos oreilles ?
Les sifflements d’oreille ne sont pas forcément associés à une maladie sous-jacente. Ils peuvent être liés au vieillissement naturel des cellules de notre oreille interne, mais aussi à un traumatisme sonore, à l’excès de cérumen ou à la présence corps étrangers dans le conduit auditif. On fait le point ci-dessus.
Une forte exposition au bruit
L’une des causes les plus courantes des acouphènes est l’exposition à des niveaux sonores élevés. Les concerts bruyants, l’utilisation fréquente d’écouteurs à volume élevé, les environnements de travail bruyants et toute autre source de bruit intense peuvent endommager les cellules ciliées de l’oreille interne, ce qui peut entraîner des acouphènes temporaires ou persistants. « Un seul traumatisme sonore causé par un son intense (un accident de la route avec déclenchement de l’airbag ou une explosion, par exemple) peut aussi endommager notre oreille interne et être à l’origine d’acouphènes susceptibles de persister quelque temps », précise le Pr Thai-Van.
Une obstruction du conduit auditif (oreille bouchée)
L’accumulation de cérumen (bouchon de cérumen) ou de corps étrangers dans le conduit auditif (comme un bout de coton-tige) peut perturber la transmission normale du son, provoquant des bruits inhabituels, y compris des sifflements. Un nettoyage doux et régulier des oreilles peut prévenir les acouphènes liés à cette cause mécanique !
Troubles de l’oreille interne : quelle maladie fait siffler les oreilles ?
Des désordres dans le fonctionnement de l’oreille interne, comme ceux observés dans la maladie de Ménière, caractérisée par des problèmes d’équilibre et des fluctuations de la pression des fluides de l’oreille interne à l’origine de vertiges et de problèmes d’équilibre, peuvent aussi entraîner des acouphènes. C’est également le cas de certaines affections de l’oreille moyenne, comme l’otite moyenne aiguë ou l’otite séreuse, qui interfèrent avec la transmission normale des sons, précise le Pr Thai-Van.
La presbyacousie (ou perte auditive liée à l’âge) peut parfois être à l’origine d’acouphènes. « Au fil des ans, nos cellules sensorielles se détériorent naturellement et irrémédiablement, ce qui peut entraîner une diminution, voire une perte totale d’audition et la survenue d’acouphènes », confirme le médecin ORL. Plus rarement, l’otospongiose, une maladie congénitale dégénérative qui touche les osselets de l’oreille moyenne, peut aussi être à l’origine de sifflements intempestifs.
Le stress peut-il vraiment être à l’origine d’acouphènes ?
Au risque de vous surprendre, le stress peut parfois être lié à l’apparition ou à l’aggravation d’acouphènes. Le stress chronique peut entraîner une activation constante du système nerveux central, y compris le système auditif, ce qui peut augmenter la sensibilité auditive et intensifier la perception des acouphènes. Le stress peut aussi provoquer des tensions musculaires (y compris au niveau des muscles du cou et de la mâchoire) qui peuvent impacter les structures auditives et contribuer à l’apparition d’acouphènes. Enfin, le stress peut affecter la circulation sanguine, y compris celle dans l’oreille interne, et contribuer aux acouphènes.
Quels médicaments peuvent avoir un impact sur notre audition ?
Certains médicaments sont dits ototoxiques : pris à fortes doses ou sur le long terme, ils peuvent endommager les cellules de l’oreille interne impliquée dans l’audition et/ou dans l’équilibre, explique le Pr Thai-Van, dont l’équipe a récemment publié une revue de littérature sur la question (source 1). Parmi les médicaments susceptibles d’occasionner des acouphènes, on retrouve :
- certains salicylates comme l’aspirine ;
- certains antibiotiques aminoglycosides, comme la gentamicine, la néomycine et la streptomycine ;
- certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),
- certains diurétiques, comme le furosémide ;
- certains médicaments anticancéreux, comme le cisplatine ;
- certains antipaludiques, comme la chloroquine et l’hydroxychloroquine ;
- et certains antidépresseurs, comme l’imipramine.
Bon à savoir : si vous observez le moindre effet secondaire suite à la prise d’un médicament, signalez-le immédiatement à votre médecin !
En résumé : quels sont les facteurs de risque de sifflements dans les oreilles ?
Sifflements, bourdonnements et autres martèlements indésirables peuvent être favorisés par quelques facteurs de risque.
- Des prédispositions génétiques peuvent jouer un rôle dans la susceptibilité de développer des problèmes auditifs, y compris des acouphènes.
- Des tensions musculaires chroniques au niveau du cou et de la mâchoire peuvent faciliter la survenue d’acouphènes.
- Une exposition soudaine à un bruit violent ou une exposition prolongée à des niveaux sonores élevés, que ce soit au travail, lors de concerts de musique ou chez soi, en utilisant des écouteurs à volume élevé augmentent inévitablement le risque de souffrir d’acouphènes.
- Les personnes âgées sont plus susceptibles de développer des acouphènes, puisque le processus de vieillissement entraîne naturellement une baisse de la fonction auditive.
- Des affections telles que la maladie de Ménière, caractérisée par des problèmes d’équilibre et des fluctuations de la pression des fluides dans l’oreille interne.
- Les anomalies dans la circulation sanguine près de l’oreille, qui peuvent être associées à des acouphènes pulsatiles.
- La prise inadéquate de certains antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), diurétiques ou anticancéreux.
Vos oreilles sifflent : quand et qui consulter ?
Les acouphènes, même intermittents, doivent être pris au sérieux, tant leur retentissement peut être important ! Prenez rapidement rendez-vous avec votre médecin traitant qui vous redirigera éventuellement vers un spécialiste si :
- vos acouphènes sont apparus après un traumatisme de la tête ;
- vos acouphènes affectent davantage une oreille que l’autre ;
- vos acouphènes suivent les battements de votre cœur et vous avez l’impression d’entendre votre pouls dans une oreille ;
- vos acouphènes persistent ou s’aggravent et vous gênent au quotidien ;
- vos acouphènes sont associés à d’autres symptômes comme des vertiges ou une perte de l’acuité auditive.
« Quelle que soit la situation, mieux vaut consulter : c’est l’occasion de faire le point sur votre audition et sur les bonnes habitudes à prendre pour protéger sa santé auditive, insiste le Pr Vai-Thai. La première expérience d’acouphènes peut prendre fin en quelques heures, mais la deuxième peut perdurer et impacter durablement la qualité de la perception auditive, nécessitant un traitement adapté. »