Sur Instagram, il faut un temps avant de comprendre que Rose n'est pas "juste" une ravissante jeune femme qui donne des conseils de coiffure et de make-up à sa communauté. Non, elle est sourde - ce sont ses mots, elle assume parfaitement son handicap - et elle donne des conseils pour mieux assumer son appareillage auditif quand on est malentendant. Coiffure, make-up, mode... tout est bon pour se sentir mieux dans sa peau. Elle en a même fait un livre Vivre avec une surdité - Le son de la vie (chez Mango Editions) dans lequel elle raconte son parcours et sa surdité. C'est à l'occasion de la sortie de son livre que nous l'avons rencontrée.
Le texte ci-dessous est la retranscription de l'interview vidéo associée à cet article.
Rose, comment avez-vous découvert votre surdité ?
Je dis que je suis sourde parce que les implants, ça aide à entendre, mais mon identité réelle aujourd’hui, c'est sourde. Je n'ai pas été sourde tout de suite. J'ai été malentendante au début. Pendant huit ans, personne ne l'a vu. Et à l'âge de huit ans, quand un médecin s'est mis derrière moi, il s'est rendu compte que je lisais sur les lèvres. J’avais des problèmes d'attention. Et c'est là qu'ils ont découvert que, en premier temps, j'étais malentendante. C’était à moins 50 % d'audition, une surdité moyenne. Et c'est à l'âge de 19 ans que je suis devenue sourde. Je m'en suis juste rendu compte par le biais de grosse fatigue, de migraines. Je n'entendais plus - j’étais hôtesse de vente à l'époque - et je n'entendais plus les clientes.
A l'âge de huit ans, quand un médecin s'est mis derrière moi, il s'est rendu compte que je lisais sur les lèvres.
Vous portez un implant auditif. Comment ça marche ?
J'ai eu mes tout premiers appareils à huit ans, au moment du premier diagnostic. C'était de tout petits d'appareils, qui m'ont aidée un peu à remonter le niveau de mon audition. Et après, quand je suis devenue sourde, on m'a proposé un plus gros appareil au début. Puis encore après, on m'a proposé l'implant. C'est ce que j'ai ici (voir la vidéo où Rose montre son dispositif). C'est un système vraiment différent. Au début, je ne voulais pas parce que j'avais peur. Je ne connaissais pas. Et puis je me suis renseignée. J'ai trouvé une association qui m'a fait rencontrer une fille implantée et c'est à partir de là que j'ai dit oui, parce que j'ai pu voir quelqu'un qui me disait ce qu'il ressentait. Mais c'était rare, il y a quatre ans, personne n'en parlait.
Dans un implant, en fait, il y a deux parties, donc la partie interne qu'on ne voit pas ici. Donc on commence par opérer pour mettre une petite plaque qui fait une longueur de quelques centimètres, qu'on met ici (voir vidéo) avec des électrodes, qui s'enroule autour de la cochlée. Et quand je viens aimanter une plaque, au bout d'une seconde, j'ai un son et ça vient faire une stimulation électrique. Et le son arrive grâce au micro.
Au quotidien, qu'est-ce qui est le plus handicapant quand on est sourde ?
La fatigue, c'est ce qui me gêne le plus. Très souvent, les gens pensent que quand on a ce genre de “processeur”, on entend. Sauf qu’en fait entendre, ce n'est pas comprendre pour nous. C'est à dire que par exemple, moi, j'ai besoin de la lecture labiale pour vraiment compléter et comprendre une phrase.
En plus de ça, il y a aussi par exemple, pour représenter un peu : quand vous avez une phrase, pour nous, c'est comme s'il y avait des trous noirs entre les phrases. Et du coup, notre cerveau va réfléchir en fonction du contexte et deviner la phrase. Et ça pendant toute une journée : vous imaginez bien que c'est fatiguant !
Comment avez-vous surmonté l'adolescence et les harcèlement ?
Il faut savoir qu'aujourd'hui, sur les réseaux, je montre que je m'accepte à fond et que aujourd'hui je m’accepte vraiment. Mais ça n'a pas toujours été le cas. J'ai eu peut être une dizaine d'années où j'ai pas eu confiance en moi, où j'ai vécu beaucoup de harcèlement et d'intimidation, et cetera. Comment ? On te crie dans les oreilles toute la journée, on te confisque tes appareils, on les cache. On vient se moquer de toi parce que tu réponds de travers. Les profs aussi se sont beaucoup moqué de moi aussi. Et le mix des deux ? Ta confiance en toi, elle est down ! Et en fait, j'aurais voulu - à l'époque où je n'étais vraiment pas bien, où je me recherchais - avoir un support ou quelqu'un qui m'aiderait à surpasser tout ça. Avoir de l'espoir, en fait. Et j'ai vu que personne ne le faisait.
Moi, j'étais vraiment fière d'avoir accepté ça et j'avais envie de le mettre en lumière et j'ai vu que ça a aidé vraiment d'autres personnes. Le livre, c'est un peu le cheminement de ce que je faisais déjà sur les réseaux. Parce qu'en fait, quelqu'un qui n'est pas concerné pourrait dire : "mais c'est juste un truc sur l'oreille." Sauf que pour les personnes qui sont malentendants, pour eux, ça représente tout un truc. Pour eux, c'est la faiblesse. Pour eux, c'est le handicap. Pour eux, ils ne s'en sortent pas. Et du coup ils sont obnubilés par le regard des autres et ils ont vraiment du mal à accepter.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Je me dis que c'est fondamental d'avoir, en plus du médical, une aide psychologique à côté et que les gens se sensibilisent. Les gens - dans tous les handicaps - ont tendance à penser qu'il faut en faire trop, parce qu'ils ont peur, parce qu'ils ne connaissent pas. En réalité, il faut rester normal. Il faut juste être bienveillant et faire attention. Par exemple, voir si la personne n'a rien compris, c'est pas grave, on répète, au pire des cas on écrit. Mais il faut rester simple en fait.