Mentir sur ses horaires et/ou fouiller dans le portable de l’autre… L’infidélité pousse trompeurs et trompés à des comportements regrettables. Un engrenage destructeur, dans lequel beaucoup de gens s’embourbent.
Santé Magazine : Pourquoi trompe-t-on ? Pourquoi est-on trompé ?
Jean-Claude Maes : L’infidélité solutionne à court terme un problème à long terme. En fait, c’est le symptôme d’une maladie : la crise du couple. On trompe pour éliminer les conséquences du problème mais comme on ne traite pas le problème lui-même, cette tentative est toujours vouée à l’échec. Et, lorsque c’est découvert, c’est pire, car cela engendre une crise sur la crise.
Malgré la diversité des situations, le point commun, c’est ce problème de fond entre les amoureux : manque de désir, frustrations ou sentiment d’être floué sur les termes du contrat. Par exemple :
- Le problème de fond : l’un désire moins l’autre, ou fait passer travail, amis ou famille avant son couple, ou est trop pris par les enfants…
- Tentative de solution : se sentant trahi, l’autre trompe en retour. Il traite ainsi son problème immédiat : frustration sexuelle ou manque affectif.
- Efficace à très court terme : il ou elle résout le problème à court terme puisque cela lui permet de rester dans le couple tout en comblant son manque. Cela peut même le rendre plus cool et l’apaiser.
- Nul à moyen et long terme : s’engager dans une double vie, c’est généralement aussi doubler les problèmes. Il m’est arrivé de recevoir des couples illégitimes en thérapie… C’est tout de même un comble ! Si on va juste combler la frustration ailleurs, on ne solutionne rien du tout. En revanche, on crée de nouveaux problèmes : peur de la révélation, sentiment de culpabilité, etc.
Et si le contrat n’était pas clair au sujet de la fidélité ?
L’exclusivité sexuelle est normale. Le mot "couple" est récent, et il va de pair avec l’exclusivité sexuelle. Sans doute est-ce culturel, mais justement c’est dans cette culture que nous sommes nés et que nous avons grandi. Si quelqu’un vous dit : "Moi je ne le voyais pas comme ça, je pensais que ce n’était pas important pour toi, etc.", cette personne vous ment. Sinon, elle ne l’aurait pas fait en secret. Le cas où ce n’est pas si clair que ça, on peut l’oublier, c’est un faux prétexte.
Quant aux relations d’amour libre… C’est un tout autre contrat, qui je suppose, peut fonctionner, mais dont il faut bien constater qu’il n’est pas si fréquent !
L’infidélité peut-elle aider le couple, comme certains le prétendent ?
Non, l’infidélité n’est pas une solution, mais au contraire devient une partie du problème. Je ne rencontre personne qui vive cela bien. C’est douloureux de découvrir une infidélité. Cela peut en revanche motiver un changement de fond : donner l’occasion de résoudre le vrai problème. Elle n’aide pas le couple mais, si les problèmes qui l’ont motivée sont mis à plat, cela peut aider à sortir de la crise de couple.
Si vous êtes le trompeur, que faut-il faire pour sortir de cette crise conjugale ?
- Avouer : si vous êtes percé à jour, avouez tout de suite, n’entassez pas de nouveaux mensonges sur les anciens, car le plus difficile à accepter, c’est la tromperie, la trahison, la traîtrise… En somme, plus vite on avoue avec sincérité, plus on augmente les chances de sauvegarde du couple.
Vous devez pouvoir montrer à l’autre que vous avez fait une erreur. Mais attention, passer aux aveux avec des détails que la victime n’a pas demandés n’est pas un aveu bienveillant, c’est sadique ! Il faut vraiment vouloir réparer les dommages.
- Demander vraiment et sincèrement pardon : le trompeur doit prendre la mesure du mal qu’il a fait à l’autre. Il doit souhaiter aborder le problème pour que l’on puisse croire de nouveau à sa sincérité : "Oui, ça n’aurait pas dû avoir lieu car j’ai rompu notre contrat" ; "Je n’ai pas eu le courage d’aborder le problème avant, je voudrais qu’on en parle vraiment maintenant".
Si vous êtes la personne trompée, comment réagir ?
- Affronter le problème : si on pardonne sans que rien n’ait été réparé, ou trop vite, ou face à quelqu’un qui ne reconnaît pas ses torts, alors on va vivre dans l’inquiétude. Il y a des gens qui ont si peur d’être seuls qu’ils acceptent de vivre avec "ça", même sans pardon, et c'est loin d'être une bonne idée ! Le reproche, la blessure et la méfiance vont continuer à planer, et cela ressortira un jour ou l’autre, mais de plus en plus gangrené.
- Se remettre en question : le trompé doit s’interroger sur le problème, il ne peut pas se déresponsabiliser, car dans un couple on est deux. Il ne doit pas profiter que le trompeur est par définition en faute pour le condamner sans appel et le culpabiliser. Parfois d’ailleurs, le trompé présente des excuses : "Il me l’a dit souvent, j’aurais dû entendre". La possibilité de pardonner va donc dans les deux sens : les griefs doivent être énoncés et entendus des deux parties.
- Pardonner oui, mais seulement sous certaines conditions :
- l’autre est sincère dans ses excuses et dans sa volonté de réparer ;
- on a soi-même pris sa part de responsabilité et on est prêt à écouter les griefs de l’autre ;
- ce n’est pas la énième fois que l'infidélité se produit.
POUR TOUS : dans le cas où dialogue, ouverture et honnêteté ont été de mise, non seulement cela permet la reconstruction réelle du couple, mais cela peut renforcer les liens : "Puisque nous avons réussi à affronter cette crise, cela veut dire que notre couple est solide". En somme, il n’y a pas de mauvaises raisons de vouloir rester ensemble, il y a juste de mauvais moyens d’y arriver.
Le livre, c’est de l’autothérapie pour se passer de consultations ?
En un sens, oui. Le livre s’adresse aux couples qui souhaitent comprendre et agir, comme le nom de la collection l’indique. Je détaille les étapes nécessaires, je donne des exemples sur différents problèmes que l’on peut rencontrer du côté du trompé et de celui du trompeur, ne serait-ce que parce que chacun a besoin de comprendre la vision de son partenaire.
Je parle aussi un peu de la troisième personne, la grande oubliée, car elle ne peut pas être la cause de tout et, elle aussi, peut pâtir sévèrement de la situation. J’explique, en outre, les raisons que l’on a de se mettre en couple et la nature du deal. Quel est l’intérêt de retrancher sur sa liberté ? Je donne enfin les bonnes raisons que l’on a de rester fidèle, et celles, moins bonnes, qui poussent à aller voir ailleurs
Le couple, c’est fragile : il faut donc l’entretenir sans cesse et faire preuve de bienveillance à l’égard de son partenaire et de soi-même. Mais ça en vaut la peine !