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Lupus systémique chez la femme enceinte : une grossesse à risque

Prise de sang chez une femme enceinte © Topalov

Publié le par Sophie Helouard Expert : Pr Zahir Amoura, spécialiste en médecine interne à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris, Centre national de référence lupus systémique

Vous désirez avoir un enfant et vous souffrez d’un lupus systémique ? Aujourd’hui, la plupart des femmes lupiques peuvent envisager une grossesse en toute sécurité à condition de bien la préparer et d’être étroitement suivies afin d’éviter d’éventuelles complications. Le point avec le Pr Zahir Amoura, spécialiste en médecine interne à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris, Centre national de référence lupus systémique.

Qu'est-ce que le lupus systémique ?

Le lupus systémique est une maladie auto-immune chronique qui peut toucher plusieurs organes. « Dans le lupus, un dysfonctionnement du système immunitaire conduit celui-ci à attaquer nos propres cellules », explique le Pr Zahir Amoura. La pathologie se manifeste, la plupart du temps, par une atteinte articulaire (inflammation des articulations) et une éruption cutanée sur le visage (sur les joues et l'arête du nez). Mais, elle peut aussi affecter le cœur, les reins, les poumons ou le système nerveux. Le lupus touche principalement les femmes (90 %) entre la puberté et la ménopause avec un pic de fréquence entre 30 et 39 ans.

Comment savoir si on est atteinte de lupus ?

Le lupus systémique est une maladie chronique qui évolue par poussées. Celles-ci peuvent se manifester par :

  • des douleurs articulaires : les petites articulations – les doigts, les poignets mais aussi les genoux, les pieds ou les chevilles – deviennent rouges, chaudes et gonflées. L’inflammation est souvent symétrique, c’est-à-dire qu’elle peut toucher les deux mains, les deux poignets ou les deux chevilles. En revanche, les arthrites du lupus systémique n’entraînent, en général, pas de destruction articulaire contrairement à la polyarthrite rhumatoïde.
  • une éruption cutanée qualifiée de « photosensible » sur les zones de la peau exposées au soleil. « L’éruption sur le visage en forme de « loup » est très évocatrice, confirme le Pr Amoura. Ces plaques rouges disparaissent ensuite à la fin de la poussée de lupus ».

D’autres signes peuvent être associés comme une atteinte de la membrane du péricarde (péricardite), une atteinte rénale (albumine dans les urines), une atteinte pulmonaire (pleurésie). « Des atteintes neurologiques sont également possibles mais elles sont plus rares », ajoute le spécialiste.

Quelles sont les causes du lupus ?

Plusieurs facteurs – environnementaux, hormonaux et génétiques – sont probablement en cause dans le déclenchement d’un lupus systémique. Comme l'explique le Pr Amoura :

« Les hormones féminines, notamment les œstrogènes, favorisent l’émergence de poussées. Le lupus se déclare d’ailleurs le plus souvent chez des femmes en âge d’avoir des enfants. La grossesse entraînant des changements hormonaux, elle peut aussi déclencher un lupus qui ne s’était pas manifesté jusque-là ou une poussée d’une maladie connue. »

Peut-on envisager une grossesse quand on souffre d'un lupus systémique ?

Si de nombreuses patientes souffrant d’un lupus peuvent aujourd’hui mener une grossesse à terme, il faut savoir que la maladie augmente le risque de fausse couche et de naissance prématurée. Il est donc important de discuter de son projet de maternité avec son médecin afin d’être bien suivie et de mettre toutes les chances de son côté.

Bilan pré-conceptionnel

Une consultation préconceptionnelle permettra d’évoquer le projet de grossesse de la patiente lupique, de s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indication et d’ajuster le traitement. Selon le Pr Amoura :

Dans l’idéal, la grossesse chez la femme lupique doit être planifiée. Le mieux est d’en discuter avec son médecin afin de vérifier qu’il n’y a pas de contre-indications, par exemple, une insuffisance rénale importante, et de choisir le moment le plus opportun.

En effet, un lupus actif étant de mauvais pronostic pour la grossesse, il est fortement recommandé d’attendre que la maladie soit inactive depuis au moins six mois avant de se lancer...

Quelles sont les contre-indications ?

Les principales contre-indications à une grossesse chez la femme lupique sont :

  • une insuffisance rénale importante ;
  • un lupus actif : il est recommandé de ne débuter la grossesse qu’à distance d’une poussée lupique sévère (notamment rénale) et lorsque le lupus est inactif depuis 6 à 12 mois ;
  • une hypertension pulmonaire mal contrôlée ;
  • une hypertension artérielle sévère ;
  • une valvulopathie (mauvais fonctionnement de la valve cardiaque) mal tolérée.

Quel est le traitement du lupus chez la femme enceinte ?

Le traitement médicamenteux doit à la fois permettre de contrôler le lupus tout en étant compatible avec la grossesse.

Les médicaments

Le traitement repose principalement sur la poursuite de l’hydroxychloroquine (Plaquénil®) et sur la prise de corticoïdes à faibles doses. L’utilisation d’immunosuppresseurs est contre-indiquée pendant la grossesse, excepté l’azathioprine (Imurel®).

« Le traitement de fond préconisé aujourd’hui est l’hydroxychloroquine, confirme le Pr Amoura. Des études ont en effet montré que ce médicament ne causait pas de malformations chez le fœtus et qu’il limitait les risques de poussée de lupus chez la future maman. À cela, il faut ajouter de l’aspirine à faibles doses et parfois une héparine de bas poids moléculaire en sous-cutanée. »

Une surveillance régulière

Outre le traitement médicamenteux, le suivi régulier de la grossesse d’une femme lupique par une équipe médicale multidisciplinaire permettra de s’assurer de l’absence d’apparition ou d’aggravation des manifestations de la maladie. « La surveillance consistera à rechercher des signes d’évolutivité du lupus ou une complication du syndrome des antiphospholipides avec notamment la survenue d’un retard de croissance intra-utérin ou d’une pré-éclampsie », confirme le spécialiste en médecine interne.

La surveillance comprend :

  • sur le plan clinique : des consultations prénatales mensuelles qui permettent de vérifier que la grossesse se déroule bien et de rechercher des signes d’évolutivité du lupus (arthralgies, éruption cutanée, perte de cheveux, ulcérations buccales, signes de pleurésie ou de péricardite, voire manifestations neurologiques, etc.), ou de complications obstétricales (douleur abdominale notamment en barre épigastrique, œdèmes des membres inférieurs, etc.)
  • sur le plan biologique : des bilans sanguins réguliers avec notamment le contrôle de la créatininémie, de la protéinurie, de l’hémoglobine, de la glycémie et le dosage des anticorps anti-ADN
  • sur le plan échographique : outre les trois échographies conseillées dans le suivi de la grossesse, des échographies supplémentaires pourront être proposées tous les 15 jours, si la patiente lupique est porteuse d’un anticorps anti-SSA ou anti-SSB.

Quels sont les risques chez la femme enceinte ?

La grossesse de la femme lupique étant considérée à risque, celle-ci devra faire l’objet d’une surveillance accrue par une équipe multidisciplinaire. « Chez la femme lupique, la grossesse reste associée à une morbi-mortalité maternelle et fœtale plus importante que dans la population générale, confirme le Pr. Amoura. Les complications possibles sont : les poussées lupiques, les complications obstétricales fœtales (perte du foetus, retard de croissance in utero, prématurité́) et maternelles (pré-éclampsie) ainsi que le lupus néonatal. »

Les patientes lupiques sont plus enclines à développer une pré-éclampsie à la fin de leur grossesse. Ainsi, selon les études, la prévalence de la pré-éclampsie au cours des grossesses lupiques varierait de 8 à 36 %, soit jusqu'à 10 fois le risque de la population générale des femmes enceintes. La pré-éclampsie survient dans la seconde moitié de la grossesse et associe une hypertension artérielle à la présence de protéines dans les urines (protéinurie).

Et chez le bébé ?

Le lupus étant souvent associé à un syndrome des antiphospholipides (SAPL), ces anticorps doivent être systématiquement recherchés chez toute patiente lupique. « Les manifestations cliniques du syndrome des anti-phospholipides (SAPL) sont essentiellement des thromboses (formation de caillots sanguins) veineuses ou artérielles, ou des complications obstétricales (fausses couches spontanées précoces, pré-éclampsie, mort fœtale in utero), explique le Pr. Amoura. Le traitement repose sur la prise d’aspirine (acide acétylsalicylique à dose antiagrégante pour fluidifier le sang) et d’anticoagulants (héparine).

Lupus néonatal

Les patientes lupiques porteuses d’un anticorps anti-SSA (ou anti-SSB) peuvent présenter un « lupus néonatal ». « Ce syndrome lié à la transmission de la mère au fœtus d’anticorps anti-SSA ou anti-SSB se manifeste chez le bébé principalement par une atteinte cutanée et/ou cardiaque. Ces anticorps peuvent être responsables d’un ralentissement de la conduction électrique du cœur du fœtus appelé bloc auriculoventriculaire congénital ». Cette affection survenant généralement entre 16 et 26 semaines d’aménorrhée, il est recommandé de suivre le rythme cardiaque du futur bébé tous les 15 jours durant cette période. « Ce bloc auriculoventriculaire congénital survient dans 1% des cas, conclut le Pr Amoura. La prise en charge actuelle repose sur un suivi et une naissance en milieu cardiologique pédiatrique hautement spécialisé. »

Sources

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