Une grossesse nerveuse est à l’opposé du déni de grossesse, une gestation qui se développe sans que la maman n’en ressente aucun signe. Dans les deux cas, pourtant, la part psychique de la mère ou de la femme est fortement impliquée.
Qu’appelle-t-on une grossesse nerveuse ou pseudocyesis ?
Des nausées matinales, de la fatigue, une prise de poids, des seins douloureux, un arrêt des menstruations… Tout y est, ou presque. Pourtant, la femme qui éprouve ces symptômes ne porte en réalité aucun enfant. Voilà la définition de ce que vivent à ce jour 1 à 6 femmes sur 22 000 (source 1), lors d’une grossesse dite « nerveuse », un phénomène également appelé pseudocyesis dans le jargon médical.
C’est une situation délicate, à prendre au sérieux, dans laquelle la femme ressent vraiment la grossesse, mais où aucun embryon n’est présent. Un simple test peut le confirmer, énonce le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue, andrologue et thérapeute de couple, qui a déjà connu des patientes persuadées de leur état. Mais voilà, pour celle qui s’imagine déjà future maman, la situation est loin d’être si évidente et définie par un test de grossesse.
Quels sont les symptômes d’une grossesse nerveuse ?
Jusqu’où peut aller une grossesse nerveuse, dans le corps de la jeune femme ? La conviction est telle que le mimétisme peut-être assez poussé dans tous les ressentis, ceux d’une femme effectivement enceinte.
Les principaux symptômes d’une grossesse nerveuse sont donc ceux d’une véritable grossesse :
- De la fatigue ;
- Des nausées ;
- Une tension mammaire ;
- Une absence de règles ;
- Une prise de poids avec un ventre qui gonfle ;
- Pour certaines patientes, une impression de sentir son bébé bouger.
Le Dr Mimoun l’explique : « dans une grossesse nerveuse, tous les symptômes 'sympathiques', c’est-à-dire stimulés par le nerf sympathique, peuvent entrer en action. En revanche, le symptôme le plus important et le plus révélateur, le taux d’hormones HCG ne suit pas, et ne peut pas mentir : son absence indique bien qu’aucune gestation n’est engagée. Sans le moindre doute ».
Comment savoir si une femme fait une grossesse nerveuse ?
Aujourd’hui, le système semble simple, s’entendent les gynécologues : « il suffit d’un simple test biologique, une prise de sang, pour donner un résultat incontestable : le test est négatif, aucune grossesse n’est en cours », explique le Dr Mimoun, avant de se faire plus prudent, « mais le dire et le prouver à la patiente ne suffit pas. Pour elle, ce n’est pas une preuve. Il faut comprendre que la femme à ce moment-là est dans une hallucination, celle d’être enceinte. Donc ce résultat négatif, elle ne l’entend pas, ou alors elle ne va retenir que ce qui l’arrange et rejeter ce qu’elle ne veut pas entendre ». La femme enceinte pouvant même refuser d’aller voir son médecin.
Fausse grossesse : trouver les bons mots pour parler à la patiente
Le test de grossesse ou l’échographie sont équivoques, l’utérus de la patiente est vide. Et pourtant, c’est avec des pincettes que le gynécologue doit trouver les bons mots, les premiers qui tenteront de faire entendre raison à celle qui se pense enceinte.
Le pire serait de vouloir bousculer la patiente, de lui dire 'mais vous êtes tombée sur la tête, regardez vos résultats, une grossesse est impossible', une situation qu’elle vivra très mal. Il faut comprendre que c’est justement sa tête qui lui a ordonné d’aller jusque-là, annonce le médecin. Une réponse rationnelle ne parviendra pas à la rassurer sur-le-champ.
Pourquoi ces symptômes apparaissent chez la femme, sans qu’elle soit enceinte ?
Dans une grossesse nerveuse, ou fantôme, les causes sont à chercher du côté psychologique et souvent traumatique de la femme, qui a pu jouer sur sa conscience. « Quand on interroge les patientes qui ont connu une grossesse nerveuse, on se rend compte d’épisodes répétitifs de déception au cours de leur vie, de rêves faussés qui se sont bloqués au cours de leur évolution. D’un chemin difficile. Toutes disposent d’un passé de fragilité psychique ».
Une envie très forte d’enfant
Un fort désir d’enfant peut conduire une femme à rêver une grossesse, quand la notion de désespoir est au rendez-vous, notamment si la femme à reçu un ou plusieurs résultats négatifs.
Le traumatisme d’une fausse couche ou d’une grossesse extra-utérine
Une grossesse précédente qui a bien eu lieu mais qui a une fin abrupte et traumatisante pour la maman, comme une grossesse extra-utérine (GEU).
Une IVG interruption volontaire de grossesse
Une interruption volontaire de grossesse (IVG) mal vécue peut également fragiliser la conscience.
La peur profonde d’être enceinte
C’est ce qu’on retrouve parfois chez les très jeunes femmes ou les femmes de plus de 40 ans, qui ont tellement peur de tomber enceintes qu’elles imaginent cette grossesse. Beaucoup plus rares, mais possibles : un dérèglement hormonal, un stress important, ou une tumeur ovarienne peuvent également être à l’origine d’une grossesse nerveuse.
Comment mettre fin à une grossesse nerveuse et se soigner ?
Il n’y a pas de traitement médicamenteux pour mettre fin à une grossesse nerveuse. Mais un soutien psychologique s’impose en face d’une femme qui a la conviction d’être enceinte jusque dans ses tripes. Une thérapie doit être menée au contact d’un psychiatre pour parvenir à sortir la femme concernée de sa réalité et comprendre son traumatisme.
La tâche n’est cependant pas facile : « la difficulté, c’est que la femme qui fait une grossesse nerveuse a besoin d’un psychologue pour s’en sortir, mais c’est également la dernière personne qu’elle souhaite voir », évoque le spécialiste.
Éviter la dépression nerveuse
Par conséquent, la première personne capable de prendre en charge le trouble psychique de la femme est le gynécologue, surtout s’il connaît le symptôme. « Mais pour cela il faut qu’il s’intéresse un minimum à la psychologie ». Un gynécologue qui connaît le sujet pourra débuter une psychothérapie. Le soutien du gynécologue va alors être plutôt verbal que médical. « C’est important, car la façon d’aborder le problème est ce qui va redonner de l’espoir à la femme en grande souffrance ou la plonger dans une dépression nerveuse peut-être plus profonde encore ».
La grossesse fantôme touche-t-elle les hommes ?
Il arrive que certains papas soient très, voire trop affectés par l’annonce de la grossesse nerveuse de leur compagne, j’en ai croisé deux ou trois fois, c’est rare mais cela arrive, confie le médecin. Eux aussi sont dans la détresse, face à une grossesse comme perdue. Dans ce cas, la prise en charge psychologique peut également se faire à deux. Mais la plupart du temps, il s’agit d’une fragilité de la femme avant tout, confirme le Dr Mimoun.
Le cas de la couvade, chez les pères
Cela dit, la grossesse nerveuse n’est pas réservée qu’aux femmes ! Il arrive en effet qu’au cours de la grossesse (effective) de leur femme, certains hommes développent des manifestations psychosomatiques qu’on appelle couvade, en parallèle de leur conjointe : nausées, insomnies, prise de poids, fringales, douleurs lombaires, voire, baisse de testostérone.
Dans le cas des papas aussi, il s’agit d’un trouble psychique qui peut expliquer une trop forte implication, le sentiment d’être vide face à leur femme, ou encore une anxiété profonde au sujet de cette grossesse, une angoisse face à l’état de santé du bébé ou de sa maman. Fort heureusement, ce trouble se règle généralement de lui-même à la naissance de l’enfant.
Une grossesse réelle est-elle envisageable après une grossesse psychologique ?
Bonne nouvelle pour la patiente : une grossesse nerveuse n’empêche aucunement la femme d’espérer une grossesse normale, et bien réelle cette fois, par la suite. Un travail doit cependant être fait, pour qu’une envie raisonnée revienne. « Une fois que la crise est passée, que la femme a consulté, trouvé son blocage et remis son système à zéro, tout devient possible pour elle », rassure le spécialiste.