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Le ministre américain RFK Jr veut voir les vaccins testés contre placebo : pourquoi c'est une idée controversée

Une infirmière administre un vaccin à une patiente dans un environnement médical. © zoranm/Getty Images

Publié le par Hélène Bour

Le ministre américain de la santé voudrait que les vaccins soient testés contre placebo. Des scientifiques ont expliqué pourquoi c’était peu envisageable, et même peu souhaitable.


On ne compte plus les idées quelque peu saugrenues du Ministre de la santé américain, ou plutôt secrétaire à la santé et aux services sociaux des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr, connu pour ses positions anti-vax.

RFK Jr. a récemment promis que son ministère allait exiger que tous les nouveaux vaccins soient désormais testés dans des essais cliniques contre placebo, avant d’être mis sur le marché (Source 1). Rappelons ce qu’est un essai contre placebo : deux groupes sont créés aléatoirement, les participants du premier reçoivent, sans le savoir, le médicament à tester, tandis que ceux du second groupe reçoivent un médicament placebo, dépourvu de principe actif. Référence absolue pour tester des médicaments, ce type d’essai n’a lieu que lorsqu’aucun médicament n’existe contre une maladie.

Une perte de chance

En clair, si c’est bien ainsi que de nombreux médicaments et vaccins ont été testés initialement (répertoriés notamment par le Pr Peter Hotez sur X), ça n’est pas le cas des médicaments et vaccins qui sont conçus dans le but de faire mieux que ce qui existe déjà sur le marché. Imaginons ainsi que des scientifiques s’attellent à rendre un vaccin existant encore plus efficace. Ils sont alors censés tester leur candidat-vaccin non pas face à un placebo mais face au vaccin existant, pour voir s’il y a une amélioration du “service rendu” aux patients. Injecter un placebo à des patients revient à les priver d’un traitement existant, qui fonctionne.

Si nous avons des vaccins ou des traitements qui fonctionnent, il est erroné de ne rien donner à certains participants à la recherche”, a souligné le professeur Seema Shah, directrice de l’éthique de la recherche à l’hôpital pour enfants Ann & Robert H. Lurie de Chicago, dans un communiqué (Source 2).

Il existe des exceptions toutefois : lorsque le risque d’être dans le groupe placebo est mineur, comprenez, lorsque la maladie n’occasionne que des symptômes mineurs et supportables, ne mettant pas en danger la vie. Par exemple, le rhume des foins. Dans le cas du vaccin ROR (contre la rougeole, la rubéole et les oreillons), le risque est plus important, étant donné qu’il s’agit de maladies potentiellement mortelles.

Ces principes existent dans d’autres domaines médicaux. En oncologie par exemple, contre les cancers, seuls les patients pour lesquels il n’existe aucun traitement efficace se voient proposer un essai clinique contre placebo. Les candidats médicaments visant à améliorer les traitements existants ne sont pas testés contre placebo mais bien contre les médicaments déjà disponibles.

Repartir de zéro… et perdre du temps

Repartir de zéro lorsque l’on teste un nouveau candidat-vaccin signifierait une perte importante de temps et d’argent pour la recherche en infectiologie. “Exiger des placebos pour tous les essais de vaccins, c’est un peu comme obliger les joueurs de basket-ball à faire des essais avant chaque match : une perte de temps et d’argent pour tout le monde”, a résumé le Pr Shah. Il se pourrait que ce soit là le but des autorités américaines : affaiblir et ralentir la recherche sur les vaccins, en avançant l’argument de la rigueur scientifique. Des scientifiques américains s’érigent déjà contre l’attitude de Robert F. Kennedy Jr., via le Vaccine Integrity Project, initiative visant à garantir l’accès aux vaccins et à contrer la désinformation à leur propos.

Sources
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